BIBLIOTHECA AUGUSTANA

 

Christine de Pizan

vers 1364 - vers 1431

 

L'Avision de Christine

 

La première partie

 

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fol. 1r

BNF, Département des manuscrits, Français 1176, fol. 1r

 

I

Premierement dit Christine

comment son esperit fu transpor

 

Ja passe avoye la moitie du chemin de mon pelerinage. comme un iour sus lavesprir me trouvasse pour la longue voye lassee et desireuse de heberg. et comme ie y fusse parvenue par appetit de repos apres la reffection neccessaire a vie humaine prise et recue dittes graces et me recommandant a lacteur de toutes choses entray en lit de repos traveillable. et comme tost apres mes sens liez par la pesanteur de sompne me survenist merveilleuse avision en signe destrange presag. tout ne soye mie nabugodonozor scipion ne Joseph ne sont point veez les secrez du treshault aux bien simples.

avis mestoit que mon esperit laissoit son corps et par exemple tout ainsi que maintes fois en songe ma semble que mon corps en lair voulast mestoit adonc avis que par le soufflement de divers vens mon esperit translate estoit en une contree tenebreuse en laquelle terminoit un val notant sur diverses yaues. la mapparoit lestature dun homme de belle fourme mais de grandeur inextimable. car sa teste trespercoit les nues. ses piez marchoient les abismes. et son ventre avironnoit toute la terre. clere face et sanguine avoit aux crins de son chief donnoient aournemens innombrables estoilles de /*la beaulte de ses yeulx yssoit si grant clarte que tout lenluminoit et iusques aux entrailles de son corps reverberoit leur clarte./ laspiracion de sa tres grant gueule attraioit si grant air et vent que tout en estoit remplis de convenable frescheur/ deux conduis principaulx avoit cest ymage/ lun estoit le pertuis de sa gueule par ou recepvoit sa nourreture et lautre dessoubz estoit par ou sespurgoit et vuidoit mais de differentes natures estoient yces .ii. Car tout ce qui entroit par le conduit hault par ou repeus estoit convenoit que corps materiel et corruptible eust. Mais par lautre conduit ne passoit riens fraisle ne palpable. la vesteure de ceste creature estoit dyapree de toutes couleurs tres soubtilment ouvree belle riche et de longue duree./ En son font bien pourtrait avoit lemprainte de .v. lettres. c.h.a.o.z. qui son nom signifioyent. En ceste statue navoit riens de diffourme. Excepte que par fois faisoit chiere triste adoulee et plourable Tout ainsi comme homme qui par diverses parties de son corps sent et seuffre diverses passions et douleurs pour la quel chose gettoit grans plains/ et a dieu lamentacions par divers cris