BIBLIOTHECA AUGUSTANA

 

Christine de Pizan

vers 1364 - vers 1431

 

L'Avision de Christine

 

La première partie

 

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XIX

Encore de ce mesmes

et complainte de la dame

 

O chiere amie/ Et de la desloiale de dieu haie la perverse envenimee du faulx office/ la quelle estoupe la lumiere de verite/ sicomme au tour de la chartre tu as veu/ Et que dirons nous car de son malefice helas ie me dueil/ ne vois tu comment or y prens garde de salaine corroupte tout est noirci. jenrage *dyre quant ie lui voy giter les loz de mes portages non pas par sort mais par malice assise a traire finances de diverses buches pour fournir le feu qui ne puet estanchier. En mes palais la plus hault assise establist ses ordres pleins de desraison et nul gronser nen ose. quant ie voy la hydeuse voilee de malice paistre les mauvais et ceulz de sa sorte et destruire les simples/ et quen puis ie dire fors crier a dieu. car les souverains de mes ordennances sont ses aliez. o dieux quel plaie a moy adoulee avec mes autres griefs. je suis comme la vesve de son pere delaissiee a qui chascun cuert sure et nul rien a pitie et que sont devenus les champions de droit ne sen sont ils fouis et saucun en ya la fausse desloyale ne leur laisse sortir leur droitturier effait. voyez voyez tous mes loyaulx amis comment suis gouvernee par ce que iay perdu la ioye de mon chief. Et ce fait ceste fausse qui ny regarde droit pour ce que demeuree comme berbis sanz pastre suis. sans ioye dami. Bien doy estre perplexe quant je voy ma lignee dycelle avironnee qui leur donne conseil de ses desloyaulx voies. Est il chose plus laide que ce quelle maintient/ comment si fol est homme quil navise sa fin ou aveuglee gueppe ta pointure perverse mainte gent persecute/ tu es soubtille en euvre malice te gouverne et barat tient le glaive de ceulx de ta justice. or nest il bonis si sage qui en tous cas tavise car tu de transfigures en trop destranges fourmes/ si vas tracant par ville riens sanz toy ne demeure/ et chascun envenimez de ta pouldre couverte. o dieux iusques a quant durera ceste guerre mais ie me reconforte sire par la figure qui men est prophecie de sampson le tres fort

Ainsi souspirant par semblant de grant douleur dist ceste complainte la tres honnoree princece* et quant ces choses ot dittes comme femme lasse et de dueil surmontee couverte de larmes si que parler plus ne pot se taisoit coye et moy qui ses maintiens regardoie comme compaigne de son plour par pitie de sa reverence et qui de bon cuer y remediasse sa moy en fust/ lui dis ainsi