BIBLIOTHECA AUGUSTANA

 

Christine de Pizan

vers 1364 - vers 1431

 

L'Avision de Christine

 

La seconde partie

 

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fol. 25r

I

Ci comence la .IIe. partie du livre

de lavision Christin

la quelle parle de dame oppinion

et de ses ombres

 

Apres ces choses me sembloit que desireuse de plus avant en querre aloye tracent par la cite dathenes tant que membatoie entre les estudes. lors ioyeuse destre parvenue a si noble universite volontaire de mon sens par leur savoir profitablement imbuer marrestoye entre les escoliers de diverses facultez de sciences disputons ensemble de maintes questions formant pluseurs argumens. lors si comme loreille vouloie tendre a escouter. Adonc le sens de ma veue preceda cellui de moye. Car en haulcant mes yeulx avisay voulant entre yceulx une grant ombre femmenine sanz corps sicomme chose esperituelle de trop estrange nature/ Et quelle fut merveilleuse *lexperience prouvoit. Car celle chose veoye estre une seule ombre./ mais plus de .cm. millions voire innombrables parties/ les unes grandes les autres ihendres autres plus petites de soy elle faisoit puis sassembloient ces parties dombre comme par grans tourbes si que font nuees ou ciel. ou oyselles volans par tas ensemble. Mais plus en y avoit que oncques oisiaulx ne voulerent/ si estoient ces tourbes separees les unes des autres ainsi comme les couleurs delies/ se differoient car de toutes les couleurs qui oncques furent et de plus que oncques nen fu estoient differenciees les unes des autres. car une grant tourbe en y avoit de toutes blanches/ une autre de toutes vermeilles/ les autres indes/ autres de couleur de feu/ autres dyaue/ et ainsi de toutes les couleurs et se tenoient ensemble celles dune couleur sicomme font oisiaux dune espece/ Toutefois aucune fois avenoit que ilz sentremesloient. Mais tousiours retournoit chascune a sa couleur/ Et non obstant que une chascune couleur se tenist ensemble. Toutefois en y avoit/ en la route de plus fort taintes les unes que les autres/ se vermeille estoit lune plus ardent lautre plus palie lautre plus sanguine/ Et ainsi de toutes les couleurs si qua peine en y avoit une qui aucunement ne differast de lautre/ Et tout ainsi comme les couleurs dycelles ombres par tourbes se differoient/ semblablement faisoient leurs fourmes/ Car il nest corps de creature humaine ne destrange beste oysel monstre de mer serpent ne chose que dieux formast oncques voire des plus hautes choses celestielles et de tout quanque pensee puet presenter a la fantasie dont ny eust la fourme/ si en y avoit tant destranges quil nest cuer qui le peust penser. Mais fourmes de geans serpena ombles bestes ne *chose mortelle tant ne mespoenterent comme firent les orribles noirs deffigures monstres denfer de laquelle remembrance encore suis toute espouentee