BIBLIOTHECA AUGUSTANA

 

Christine de Pizan

vers 1364 - vers 1431

 

L'Avision de Christine

 

La seconde partie

 

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VII

Encore de ce mesmes

 

Dont entre yceulz .vii. sages thales tant seulement specula la nature des choses/ Et ses disputacions et les raisons quil fist il envoya par lettres en diverses contrees/ laquelle chose nul des autres ne fist pour ce fu il entreulx appelle prince de leur philosophie/ les raisons qui murent thales a dire ce quil disoit estoit quil veoit le nourrissement de toutes choses estre moisteur/ et par .iii. signes prouvoit son propos/ le premier est ce qui est dit cest assavoir que toutes choses vivans par moisteur sont nourries. Mais disoit il comme ce soit une semblable chose de quoy les choses sont et a quoy elles viennent/ Et ainsi humeur semble estre le principe des essences des *choses/ le second signe si est que comme lessence de toutes choses vivans tres grandement soit conservee et gardee par sa propre et naturelle chaleur/ Toutefois la chaleur semble faitte et nourrie de humeur/ Car humeur est aussi comme nourrissement et matiere a chaleur il appert et sensuit que humeur soit principe des choses

le tiers signe comme la vie de tous les animaulx soit gardee en humeur. Car par le deffault de naturele humeur chascun animal meurt et par la conservacion delle chascun animal vit par quoy comme vivre soit estre aux choses qui ont vie comme il fut dit devant. Il appert quil sensuive que humeur soit principe des essences des choses/ et ces .ii. signes dependent lun de lautre/ aussi il prent signe par la generacion des choses car ce dist il comme toutes generacions par especial des choses qui ont vie lesquelles sont tres nobles et parfaictes sur toutes autres choses/ soient faittes des semences lesquelles semences ou escailles sont de nature moiste sicomme chascun scet il appert ce dit il humeur estre principe des generacions des choses

Cestui tales estoit induit ad ceste opinion par lautorite des anciens. Car comme aucuns pouetes theologisans eussent este encore plus anciens de lui Et yceulx eussent telle opinion de nature Cest assavoir que leaue fust principe des choses yceulz puet estre pour lancienete deulx thales si ensuivi

Or est cy assavoir que corne les premiers en grece renommez de science fussent appellez pouetes theologizans/ ainsi dis pouetes. Car de ce quil disoient ilz fommoient dittiez et parloient saintement theologisans aussi *quilz parloient des dieux et des choses divines/ les premiers et les plus principaux renommez dyceulz furent .iii. Cest assavoir orpheus Et son disciple museus et linius de thebes qui fut maistre de hercules/ Et ces .iii. furent ou temps des Juges qui regnoient ou peuple disrael environ .V C. .xxvii. ans avant que thales fust/ environ .xliii. ans avant que theseus le roy dathenes ravist heleine la fille au roy de thebes environ .XX.iiii.VII. ans ains que troye fust destruiste/ Et detous yceulx .iii. orpheus fu le plus solempnel/ Et cestui fut cellui dont les pouetes parlent quil ala en enfer querir euridixe sa femme la quelle le serpent avoit pointe en fuiant par le pre quant euristus le frere orpheus la vouloit violer/ la quelle fable a bon entendement moral puet estre entendue sicomme fulgence ou livre des natures des dieux tres clerement lexpose/ de cestui orpheus aussi parle bouece ou .iii e. de sa consolacion a la fin/ et ovide en methamorphoseos ou .Xe. cestui orpheus aussi a parler proprement sanz nulle ficcion/ si que bouece recite en sa musique estoit trestant bon cythariste/ Cest a dire tant melodieusement faisoit sons a la harpe que par les proporcions des accors tant a point ordenez il garissoit de pluseurs maladies/ et les tristes faisoit estre ioyeux

Ces .iii. poetes dis par maniere de ficcions et de paroles transsumptives parlans des choses de nature/ disoient que occean cest a dire le mer ou labysme ou a tres grant inondacion dyaues Et thetis quilz disoient la deesse dumeur sont parens de generacion Et par ce dist il comme par singuliere similitude ilz donnoient entendre que yaue fust le principe de la generacion* des choses. Encore ceste sentence par autre fabuleuse narracion ilz couvroient disant que le sacrement et le serement des dieux estoit par leaue quilz appellent stix/ laquelle est un fleuve denfer Et par ce quilz disoient les dieux faire leurs seremens et leurs sacremens de lyaue/ Pour ce que sacrement se fait tousiours par ce qui est plus digne. Car le parfect precede limparfect de nature et de temps ilz se donnoient a entendre que lyaue fust plus honnourable et plus digne des dieux. Et donc comme il appere quilz Guidassent liaue premiere et plus anciene des dieux/ lesquelx dieux puet estre ilz entendoient estre les corps du ciel ou autres corps sensibles/. Car encore des choses separees navoient cognoiscence. Il dist que nulle plus anciene opinion de ceste na este es choses de nature la quelle soit cogneue. Meismement encore ceste opinion a este nagaires daucuns renouvellee non pas quilz deissent leaue plus noble ne si noble que dieu comme yceulx premiers firent mais sanz ficcion aucune ilz la disoient et affermoient estre premiere/ et aussi la desreniere des choses de ce monde. Car meismes il la mettent premiere que le ciel. Car la premiere espere cest assavoir une que ilz ymaginent comprendre la .ix e. ils la mettent estre yaue. sicomme plus piaillement frere rogier bacon le recite en son livre du ciel on oxii e. chapitre/ Et puet estre ad ce ilz se mouvoient cuidans les vieux pouetes accorder avecques eulx/ ou puet estre pour les ditz des philosophes nommans en pluseurs lieux les yaues sur le ciel/ Toutefois tant yceulx philosophes que aussi les pouetes/ en tant que a bon sens se puissent ramener au moins le plus *des choses en envolopement et soubz ombre parlerent non les nouveaulx mais yceulx anciens en tant que des sciences les portes vous ouvrent les devez excuser amer et supporter