BIBLIOTHECA AUGUSTANA

 

Christine de Pizan

vers 1364 - vers 1431

 

L'Avision de Christine

 

La tierce partie

 

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XV

Conclut Christine sa complainte

a Philosophie

 

Or tay ie dit tres reverend maistresse les motifs et causes de mes anuis passez et non pas tous car dieux scet que en grant quantite de autres maulx et anuis ay passe le temps que anuyeuses et longue chose seroient a dire. et la perseverence de yceulx qui dure encore ne de la fin ie ne voy signe

Du temps present comment il mest/ te dis que non obstant supplicacions/ et requestes/ que par force de divers survenus affaires et pertes en la maniere dessus ditte par les floz, infortunez souvent courans sur moy que iay aux princes francois qui encor vivent/ baillees/ maintes foiz requerant leurs secours/ non pas les adiurant par mes merites mais suppliant par lancienne amour qui tira mon dit pere par de ca leur serviteur/ et par ses biens fais a moy delaissiee et hors de son lieu et a son petit maisnage voulissent secourir mais que ie ne mente ne soye ingrate/ le secours de aucun deulx comme il mait essez este tardif presente par assignacion non de grans choses encore la longueur de la paye et anuyeuse poursuite de leurs tresoriers aucques estaint la value de la grace et merite du bien fait. O chiere dame que cuides tu quel peine cest a femme de ma faculte abstrate assez/ et pou chalant des aluchemens de convoitise convenir contre ma naturel condiction non moult curable ne ardent sur les desirs de pecune mais par neccessite contrainte de grans charges poursuivre a grant trayn ces gens de finance pourmenee de iour en iour de leurs belles paroles/ Et ainsi va au iour duy a lestat de mon veusve colliege/ Dame honnouree a qui riens nest occult qui sces que petit me chault des amas et assemblees de tresors ne de croiscence destat fors sostenir cellui venu de mes devanciers comme foie encore de encurer recognoiscent que tout est vent chose mondaine/ ne que mes pensees ne sont es desirs de superflus paremens ne delicatifs vivres me soies tesmoing que seulement lamour et charge agreable que ie ay de ma bonne mere en vieillece sus les bras de sa seule fille qui nest oublieuse des grans maternelx benefices delle receus volontaire du meriter comme droit est. me rent perplexe et adoulee quant fortune ne sueffre a ma voulente sortir son bon effait/ et que femme de si perfait honneur et si noble vie et bel estat comme est et a tousiours este. Celle ne soit tenue et ordonnee selon son droit avec les autres charges de pouvres parentes a marier et autres anuis et ne voye de nulle part fortune propice pour mon secours

Encore au propos des pointures de mes dolentes pensees avec mes autres anuys cuides tu que devant la face de fortune ne me repute peu eureuse. quant ie voy ces autres accompagniez de leurs lignages freres et parens destat/ et aisiez eulx resiouir ensemble/ et ie pense que ie suis hors des miens en estrange lieu/ Et meismement .ii. freres germains que iay sages preudeshommes et de belle vie. que ila convenu que par ce que de ca nestoient pourvueus que ilz soient alez vivre ou pais de la/ sus les heritages venus du pere/ Et moy qui suis tendre et a mes amis naturelle me plains a dieu quant ie voy la mere sanz ses fieulx que elle desire/ et moy sanz mes freres Et ainsi peus tu veoir chiere maistresse que tout au contraire de mes desirs ma fortune servie qui encore persesevere en ses malefices

Et que de ces choses dis voir dieu qui proprement est toy et toy qui proprement es lui le savez/ si reviens ad ce que devant est dit/ que comme fortune ma contraire ades continue par tieulx molestes qui ne sont a cuer femenin et foible pas petites/ plus me griesve lempeschement/ que a lestude par ses occupacions me fait/ qui mainte fois troublent si ma fantasie que ne puet vaquer lentendement au bien qui lui delicte/ Tant est offusque par ces dures pointures que ne fait/ le fait du mal que ien sueffre.