BIBLIOTHECA AUGUSTANA

 

Christine de Pizan

vers 1364 - vers 1431

 

L'Avision de Christine

 

La tierce partie

 

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XIX

Blasme Philosophie Christine

de ce que elle se plaint

 

De ce que ton mary en ieune aage mort te toli dont tu te plains ie te di que dieu ne te fist/ nul tort quant son serf pour mettre en plus hault degre voult ravoir. Et lui plut que tu demeurasses en la vallee de tribulacion pour esprouver ta pacience/ et pour toy affiner en vertu/ sicomme dit saint augustin sur le lxe. pseaulme que en une meisme fournaise la paelle art/ et lor se purge/ la paele tourne toute en cendre et lor/ de toute sescume et ordure se nettoye/ Et que est a entendre la fournaise doulce amie sces tu/ cest le monde ou tu es/ la paelle ce sont les mauprouffitans lor ce sont les iustes/ le feu/ cest tribulacion lorfeuvre ce est dieu/ Ce que lorfeuvre a voulu faire de toy il te doit plaire ou il te veult mettre tu le dois vouloir. Tu as commandement de endurer/ il a loffice de purgier/ Et combien que la paelle arde en ce feu/ cest la douleur que tu sens/ Toute voye se tu es sage tu ty purges comme lor

Et encore avec tout ce que le mieulx ait este pour toy et au proffit de ton sens le te monstreray il nest ou monde plus grant bien et toy meismes pas ne le me nyeras que cellui qui vient de lentendement et qui le perfait en savoir laquelle chose fait estude qui apprent science/ et experience de moult de choses. Ces deux causes font la personne estre sage se faulte de entendement ne lui tolt a ton propos il nest mie doubte que se ton mary te eust dure uisques a ore/ lestude tant comme tu as ne eusses frequente, car occupacion de meisnage ne le teust souffert au quel bien destude tu te mis comme a la chose plus esleve selon ton iugement/ apres la vie qui est de tous poins pour les parfais cest la contemplative le quel bien destude ie scay que confesseras que pour tous les biens de fortune ne vouldroies quelque pou que y aies fait/ ne ty estre occupee/ et que la delactacion qui tant ten agree ne eusses/ dont ne te dois tu pas tenir pour meseuree quant tu as entre les autres biens une des choses du monde qui plus te delicte et te plaist/ a avoir. Cest assavoir le doulz goust de science

Item se riche et garnie et sans tribulacion fusses demeuree/ en delices te fusses nourrie/ lesquelles choses conduisent creature a plusieurs inconveniens/ si neusses mis lexperience de cognoistre le monde/ et cause de tant le hair la quellechose dieu veult/ et par consequent ne fusses si scavent/ car saches de vray que les riches que chascun agree non mie pour eulx mais pour le leur nont si grant cause de cognoistre les fallaces du monde ne lesquieulx sont leurs vrays amis comme ont ceulx qui les espreuvent et qui passent par adversitez/. Car il leur semble pour ce que le monde leur rit que il ne soit autre paradis et que il soit vray/ toy meismes as ouy maintes fois dire a de yceulz riches quilz vouldroient que dieu gardast son paradis/ et a tousiours les laissast en ce monde. Or regarde a quel preiudice tourment les delices quant ilz ramainent la voulente qui doit suivre raison a tele bestialite que elle ne use ne que une beste mue ne mais aux pastures basses et ne se lieve ne regarde a son propre lieu naturel qui est le ciel dont lame fourmee a lymage de dieu est venue et doit tendre a aler/ Et que il soit vray que les espreuves de tribulacion te soient prouffitables ie me raporte a toy que se dieu te ramenoit a un pou plus de aise de prosperite/ que pour riens ne vouldroies que tribulacion ne eusses essayee. Or conclus en toy meismes et prens garde puis que ainsi est que a lentendement et au bien de ton corps sont valables se a lame/ se bien en as use plus sont prouffitables. car dit saint augustin sur leuvangile saint jehan/ les tribulacions que dieu veult que tu ayes a souffrir/ en ce monde/ ce nest pas peine de dampnacion. Ains est le flaiel de correction/ et vous enfans de dieu estes appellez a leritage perdurable/ et si ne daignez estre flaiellez