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BIBLIOTHECA AUGUSTANA

 

François Villon

1431 - vers 1470

 

Le jargon et jobellin dudit Villon

 

Texte:

François Villon, Oeuvres

Édition critique avec notices et glossaire

par Louis Thuasne, Paris: Auguste Picard 1923

Fac-similé: Internet Archive

 

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LE JARGON OU JOBELIN

DE MAISTRE

FRANÇOIS VILLON

 

 

Ballade (I)

 

A Parouart, la grant mathe gaudie,

Ou accollez sont duppez et noirciz

Et par anges suivant la paillardie

Sont greffiz et prinz cinq ou six.

5

La sont bleffleurs au plus hault bout assis

Pour le evaige et bien hault mis au vent

Eschequés moy tost ces coffres massis

Car vendengeurs des ances circuncis

S'en brouent du tout a neant.

10

Eschec, eschec pour le fardis.

 

Brouez moy sur gours passans,

Advisés moy bien tost le blanc

Et pictonnés au large sus les champs.

Qu'au mariage ne soiez sur le banc

15

Plus qu'un sac n'est de plastre blanc

Si gruppés estes des carieux

Rebignés tost ces enterveux

Et leur montrés des trois le bris

Qu'enclavés ne soyés deux a deux.

20

Eschec, eschec, pour le fardis!

 

Plantés aux hurmes voz picons

De paour des bisans si tres durs

Et aussi d'estre sur les joncs

Enmahés en coffres en gros murs

25

Escharicés ne soiés point durs

Que le grant Can ne vous face essorez

Songears ne soies pour dorer

Et babignés tousjours aux ys

Des sires pour les desbousés.

30

Eschec, eschec pour le fardis!

 

Prince froart, dis arques petis

L'un des sires si ne soit endormis

Leués au bec, que ne soiés greffiz

Et que vos empz n'en aient du pis.

35

Eschec, eschec pour le fardis!

 

 

Ballade (II)

 

Coquillars en arvans a Ruel,

Men ys vous chante que gardés

Que n'y laissez et corps et pel,

Qu'on fit de Colin l'Escailler

40

Devant la roe a babiller

Il babigna pour son salut

Pas ne scavoit oingnons peller

Dont l'amboureux luy rompt le suc.

 

Changés, andossés souvent

45

Et tirés tout droit au temple

Et eschicqués tost, en brouant

Qu'en la jarte ne soiez emple.

Montigny y fut par exemple

Bien ataché au halle grup

50

Et y jargonnast il le tremple,

Dont l'amboureux lui rompt le suc.

 

Gailleurs faitz en piperie

Pour ruer les ninars au loing

A l'assault tost, sans suerie,

55

Que les mignons ne soient au gaing

Farci d'un plumbis a coing

Qui griffe au gard le duc

Et de la dure si tresloing

Dont l'amboureux luy rompt le suc.

60

Prince, erriere de Ruel

Et n'eussiés vous denier ne pluc

Qu'au giffle ne laissez lappel

Pour l'amboureux qui rompt le suc.

 

 

Autre ballade (III)

 

Spelicans

65

Qui en tous temps

Avancés dedans le pogoiz

Gourde piarde

Et sur la tarde

Desboursez les pouvres nyais,

70

Et pour soustenir voz pois

Les duppes sont privés de caire

Sans faire haire

Ne hault braire

Metz plantez ilz sont comme joncz

75

Par les sires qui sont si longs.

 

Souvent aux arques

A leurs marques

Se laissent tous desbouses

Pour ruer

80

Et enterver

Pour leur contre, que lors faisons

La fee les arques vous respons

Et rue deux coups ou trois

Aux gallois.

85

Deux ou trois

Nineront trestout au frontz

Pour les sires qui sont si longs.

 

Et pour ce, bevards,

Coquillars

90

Rebecquez vous de la montjoye

Qui desvoye

Vostre proye

Et vous fera du tout brouer

Par joncher

Et enterver

95

Qui est aux pigons bien chair

Pour rifler

Et placquer

Les angelz de mal tous rons.

Pour les sires qui sont si longs.

100

De paour des hurmes

Et des grumes

Rasurez voz en droguerie

Et faierie,

Et ne soiez plus sur les joncs

105

Pour les sires qui sont si longs.

 

 

Autre ballade (IV)

 

Saupicquez fronans des gours arques

Pour desbouses beaussire dieux

Allés ailleurs planter voz marques.

Bevards, vous estes rouges gueux.

110

Berart s'en va chez les joncheux

Et babigne qu'il a plongis

Mes freres, soiez embraieux

Et gardez les coffres massis.

 

Si gruppés estes desgrappez

115

De ces angels si graveliffes,

Incontinant mantheaulx et chappes

Pour l'emboue ferés eclipses

De vos farges serés besifles

Tout de bout nom pas assis

120

Pour ce gardés d'estre griffez

En ces gros coffres massis.

 

Niaiz qui seront attrapez

Bien tost s'en brouent au halle

Plus n'y vault que tost ne happés

125

La bauldrouse de quatre talle.

Destirés fait la hirenalle

Quant le gosier est assegis

Et si hurcque la pirenalle

Au saillir des coffres massis.

130

Prince des gayeuls les sarpes

Que voz contres ne soient greffiz

Pour doubte de frouer aux arques,

Gardés vous des coffres massis.

 

 

Autre ballade (V)

 

Joncheurs, jonchans en joncherie

135

Rebignez bien ou joncherez

Qu'ostac n'embroue vostre arerie

Ou accollés sont voz ainsnez

Poussez de la quille et brouez

Car tost seriez rouppieux.

140

Eschec qu'acollez ne soiés

Par la poe du marieux.

 

Bendez vous contre la faerie

Quant vous auront desbousés

N'estant a juc la rifflerie

145

Des angelz et leurs assosés

Berard, se vous puist, renversez

Si greffir laissés voz carrieux

La dure bien tost renversés

Pour la poe du marieux.

150

Entervez a la floterie

Chanter leur trois sans point songer

Qu'en astes ne soiés en surie

Blanchir voz cuirs et essurgez

Bignés la mathe, sans targer

155

Que voz ans n'en soient ruppieux

Plantés ailleurs, contre siege assegier

Pour la poe du marieux.

 

Prince bevardz en esterie

Querez couplaus pour l'amboureux

160

Et, au tour de vos ys, luezie

Pour la poe du marieux.

 

 

Autre ballade (VI)

 

Contres de la gaudisserie

Entervez tousjours blanc pour bis,

Et frappés en la hurterie

165

Sur les beaulx sires bas assis

Ruez des fueilles cinq ou six

Et vous gardés bien de la roe

Qui au sires plante du gris

Et leur faisant faire la moe.

170

La giffle gardés de rurie

Que voz corps n'en aient du pis

Et que point a la turterie

En la hurme ne soiés assis

Prens du blanc, laisse du bis

175

Ruez par les fondes la poe

Car le bizac avoir advis

Fait aux beroars faire la moe.

 

Plantez tost de la mouargie

Puis ça, puis la, pour l'urtis,

180

Et n'espargne point la flogie

Des doulx dieux sue les patis.

Vos ens soient assez hardis

Pour leur avancer la droe

Mais soient memoradis

185

Qu'on ne vous face faire la moe.

 

Prince, qui n'a bauderie

Pour eschever de la soe

Danger de grup en arderie

Fait aux sires faire la moe.

 

 

Ballade (VII)

 

190

Brouez, benards, eschequez a la saulve,

Car escornez vous estez a la roue.

Fourbe, joncheur, chacun de vous se saulve,

Eschec, eschec, coquille si s'enbroue!

Cornette court, nul planteur ne s'i joue!

195

Qui est en plant, en ce coffre joyeulx,

Pour ces raisons il a, ains qu'il s'escroue,

Jonc verdoiant, havre du marieux.

 

Maint coquillart, escorné de sa sauve

Et desbousé de son ence ou poue,

200

Beau de bourdes, blandy de langue fauve,

Quide au ront faire aux grimes la moue,

Pourquarre bien affin que on ne le noe

Couplez vous trois a ces beaulx sires dieux,

Ou vous aurez le ruffle en la joue

205

Jonc verdoiant, havre du marieux.

 

Qui stat plain en gaudie ne se mauve.

Luez au bec que l'en ne vous encloue!

C'est mon advis, tout autre conseil sauve.

Car quoy? aucun de la faulx ne se loue!

210

La fin en est telle comme deloue:

Car qui est grup, il a, mais c'est au mieulx,

Par la vergne, tout au long de la voue,

Jonc verdoiant, havre du marieux.

 

Vive David! saint archquin la baboue!

215

Iehan, mon amy, qui les fueilles desnoue,

Le vendengeur, beffleur comme une choue,

LOing de son plain, de ses flos curieulx

Noe beaucop, dont il reçoit fressoue,

Jonc verdoiant, havre du marieux.