BIBLIOTHECA AUGUSTANA

 

Guillaume Marcoureau, dit Brécourt

1638 -1685

 

L'Ombre de Molière

 

Paris, 1674

 

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SCENE VI.

 

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LE MARQUIS, CARON, PLUTON, MINOS,

RADAMANTE, MOLIERE.

 

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PLUTON.

Ç

à, qui est celuy-cy?

LE MARQUIS à Molière, sur un ton de faucet.

Ah parbleu! mon petit Monsieur, je suis bien-aise [43] de vous trouver icy.

MOLIERE.

Qui es-tu, toy, pour me parler ainsy?

LE MARQUIS.

Je suis un de ces Marquis, mon Amy, que vous tournez en ridicules.

MOLIERE.

Et où sont les grands Canons que je t'avois donnez?

CARON.

Ils sont restez à la Porte, qui estoit trop étroite pour les faire passer.

PLUTON.

Çà, que demandez-vous?

LE MARQUIS.

Je demande justice pour [44] mes Rubans, mes Plumes, ma Perruque, ma Caleche & mon Faucet, qu'il a joüez publiquement.

PLUTON.

Que répons-tu?

MOLIERE chagrin.

Rien.

PLUTON {aux autres.}

Passez, on vous jugera à loisir.

CARON à l'entrée de la Porte.

Arrestez donc, vous n'entrerez pas.

PLUTON.

Qu'est-ce?

CARON.

C'est le plus fâcheux de tous nos Morts. Un Chasseur [45] qui s'est cassé la teste sur son Cheval Alezan, & qui ne parle à tout le monde que de gaulis, de gigots, de pieds, de croupe, & d'encolure.

PLUTON.

Fay donc venir qui tu voudras. Je commence à me lasser de tout cecy.

CARON.

Entrez, vous.

PLUTON.

Çà, qu'est-ce encore que cette grosse Ombre-cy?

CARON.

C'est l'Ombre d'un Cocu.

PLUTON.

L'Ombre d'un Cocu? Il [46] faut que ce soit un furieux Corps! Parle, que veux-tu?