BIBLIOTHECA AUGUSTANA

 

Christine de Pizan

vers 1364 - vers 1431

 

L'Avision de Christine

 

La tierce partie

 

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XXI

Encore de ce

 

De ce que tu mas dit que cheus en paroles de ce de quoy tu estoyes innocent dont te te troubloies. O chiere amie quelle gracieuse punicion dieu qui taime et nest mie doubte que mainte fois las courroucie par divers pechiez. Je te voult donner par te corregier en ce que tu nestoies mie coulpable pour les pechiez muciez par aventure en conscience ou par effect en quelque maniere que commis avoies Et ainsi mainte fois le fait a creature. Car en la chose dont nest mie en coulpe la punist dautres divers pechiez. Mais cest grant purgacion pour cellui qui est persecutez de son innocence Et les flaiolz des mauvais sont les instrumens de sa gloire/ Et de ce cy dit st Jerosme es morales ou .xxe. livre le tout poissant dist il sueffre en ce monde que les mauvais griefvent les bons/ Ad ce que par la forsennerie des reprouvez soit purgee la vie des esleus Et nest point a cuidier que iamais dieu souffrist que les mauvais ainsi cruelment tourmentassent les non coulpables ou les bons se il ne veoit combien il leur prouffite. Car quant les mauvais forsennent sur les non coulpables Adonc sont luisans les innocens et purgiez/ et la perversite des mauvais plus redonde sur la perdicion de eulx. O dieux et de entre vous qui passer voulez de delices en delices cest assavoir des aises de ce monde que vous desirez aux biens celestiaux la quelle chose ne se peut faire

Escoutez que dist saint gregoire en une omelie quant ie considere dist il Iob couche sus un femier comme mesel/ Saint Jehan baptiste mourant de fain en un desert. saint pierre estendu en crois saint iaques decole de herode. Je pense comment dieu tourmentera a son jugement durement ceulx que il epreuve/ quant yci presentement il afflict si durement ceulx que il aime et approuve

Et entre vous mondains qui pensez en vos petites tribulacions que dieux vous ait oubliez/ et que fortune vous persecute pensez vous que il soit plus tenus a vous que a ses autres bons amis a qui tant laissa souffrir

Mais de ycelle souffrance escoutez que dit saint bernard en un sermon, mes freres dist il nous sommes en ce monde ainsi comme en un champ de bataille/ Et pour ce qui yci plaiez de tribulacion napperra ne recevra en lautre/ la victoire de la couronne glorieuse. O belle amie que cellui est sage et vray bon mainagier ou celle qui toutes choses scet bien traire a son proffit/ et bien en user soit de prosperite ou daversite/ mais comme les delices mondains soient plus fors a en user au proffit de lame que les tribulacions notre sire pour bien de creature communement les envoye a ses mieulz amez. Car nyent plus ne lui cousteroit a envoyer prosperite que aversite. Mais soiez certaine que lui qui scet vostre fragilite le fait pour le meilleur de cil a qui lenvoye. Car non obstant que vous en murmurez par impacience souvente fois si estes vous plus aptes en la voie de tribulacion a aler ou ciel que ceulz qui sont nourriz es grans delices/ Et que il soit vray se mescroire ne voulez comme heretiques les saintes escriptures/ et les sains docteurs moult en avez de preuves/ que se tu me dis que fortes sont a passer lus tribulacions de ce monde/ et que elles dueillent griefment

helas/ escoute ad ce propos que dit crysostome sus leuvangille saint mathieu. Se aucun dit il repute la voye de ceste vie labourieuse pour les affl,iccions qui y sont il accuse sa parece/ car se aux mariniers le floz de la mer et les tempestes et les gelees de lyver aux laboureurs et les plaies orribles navreures aux chevaliers. Semblent estre legieres a porter pour lesperence du gaaing ou de lonneur temporelle/ que ilz en attendant/ par plus forte raison nous doivent sembler aisiees les tribulacions de ce monde pour les quelles nous est promis paradis en loyer

ha dieux et avec tout ce pensez vous point entre vous pecheurs que ayez desservi par maintes deffaultes encore trop plus grant punicion que souffisant nest de punir laversite que vous avez/ Et quant dieu selon sa misericorde amodere et adoulcist/ vers vous sa iustice pour un pou au regart de vous maulz vous donner a souffrir nestes vous bien tenus a lui. Et ad ce propos dist pierre de Bavenne en une epistre. Dieu dist il te punist en ce monde/ ad ce que la peinne temporelle rachate tes ardeures de la mort pardurable car ainsi que les pierres ne sont mises en edefice se premierement ne sont taillees/ Et au martel acquerriez/ ne le grain nest point mis ou grenier tant que au flayau soit batu/ Aussi ne peus tu estre logie en ledefice de paradis ne mis au grenier des esleuz se tu nes esprouve par tribulacion