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B  I  B  L  I  O  T  H  E  C  A    A  U  G  U  S  T  A  N  A

 

 

 

 
René Descartes
1596 - 1650
 


 






 




C o r r e s p o n d a n c e

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[Au Père Gibieuf,
le 11 novembre 1640]



     Monsieur & Révérend Père,

     L'honneur que vous m'avez fait, il y a plusieurs années, de me témoigner que mes sentiments touchant la Philosophie ne vous semblaient pas incroyables, & la connaissance que j'ai de votre singulière doctrine, me fait extrêmement désirer qu'il vous plaise prendre la peine de voir l'écrit de Métaphysique, que j'ai prié le Révérend Père Mersenne de vous communiquer. Mon opinion est que le chemin que j'y prends, pour faire connaître la nature de l'Âme humaine, & pour démontrer l'existence de Dieu, est l'unique par lequel on en puisse bien venir à bout. Je juge bien qu'il aurait pu être beaucoup mieux suivi par un autre, & que j'aurai omis plusieurs choses qui avaient besoin d'être expliquées; mais je me fais fort de pouvoir remédier à tout ce qui manque, en cas que j'en sois averti, & de rendre les preuves dont je me sers si évidentes & si certaines, qu'elles pourront être prises pour des démonstrations. Il y manque toutefois encore un point, qui est que je ne puis faire que toutes sortes d'esprits soient capables de les entendre, ni même qu'ils prennent la peine de les lire avec attention, si elles ne leur sont recommandées par d'autres que par moi. Et d'autant que je ne sache personne au monde qui puisse plus en cela que Messieurs de Sorbonne, ni de qui j'espère des jugements plus sincères, je me suis proposé de chercher particulièrement leur protection; et pour ce que vous êtes l'un des principaux de leur Corps, & que vous m'avez toujours fait l'honneur de me témoigner de l'affection; et surtout à cause que c'est la cause de Dieu que j'ai entrepris de défendre, j'espère beaucoup d'assistance de vous en ceci, tant par votre conseil, en avertissant le Père Mersenne de la façon qu'il doit ménager cette affaire, que par votre faveur, en me procurant des juges favorables, & en vous mettant de leur nombre. En quoi vous m'obligerez à être passionnément toute ma vie, Monsieur & R. P.,

     Votre très humble,
     & très obéissant serviteur,
     Descartes.


     [AT vol. III, pag. 236-238]
 
 
 
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