BIBLIOTHECA AUGUSTANA

 

Alphonse Daudet

1840 -1897

 

La Doulou

 

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[25]

I

Μαθήματα – Παθήματα

 

 

«Μαθήματα – Παθήματα» – Les vraies élémentaires. – La Douleur.

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– Qu'est-ce que vous faites, en ce moment?

– Je souffre.

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Devant la glace de ma cabine, à la douche, quel émaciement! Le drôle de petit vieux que je suis tout à coup devenu.

Sauté de quarante-cinq ans à soixante-cinq. Vingt ans que je n'ai pas vécus.

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La douche – voisins de cabine: petit Espagnol, général russe. Maigreurs, regards fiévreux, épaules étriquées.

[26]

M. B*** passion de l'absinthe.

Boursiers venant à la fin du jour.

Dans le fond, salle d'armes. Ayat et ses prévôts. Choderlos, le bâtonniste.

Savate. Boxe. M. de V*** (depuis des années, deux douches par jour) va tirer le poids, va se peser dans le fond.

Va-et-vient de la petite voiture.

Les étuves.

Ce M. B*** quelquefois dans la voiture, gras, chair blanche, apparence de santé; d'autres fois, porté, soutenu, marchotant.

Bruits de la douche, voix sonores, et le cliquetis des épées dans le fond. Tristesse profonde que cela me cause, cette vie physique que je ne peux plus.

Pauvres oiseaux de nuit, battant les murs, les yeux ouverts sans voir...

*  *  *

Quel supplice de revenir de la douche par les Champs-Elysées, six heures, un beau jour, rangées de chaises.

La préoccupation de marcher droit, la peur d'être pris d'un de ces coups lancinants – qui me fixent sur place, ou me tordent, m'obligent à lever la jambe comme un rémouleur. C'est pourtant le chemin commode, le moins douloureux pour les pieds, car il faut que je marche.

 

*  *  *

[27]

Retour de la douche avec X***, un malade de la tête, que je réconforte – que je «frictionne» en chemin, pour le plaisir si humain de me faire de la chaleur à moi-même.

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«Mal de voisin réconforte et même guérit». Proverbe du Midi, le pays des malades.

*  *  *

«Le navire est engagé», dit-on dans la langue maritime. Il faudrait un mot de ce genre pour traduire la crise où je suis...

Le navire est engagé. Se relèvera-t-il?

 

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Mort du père (1). Veillée. Ensevelissement. Ce que j'ai vu, qui me revient, qui me hante.

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Souvenir d'une première visite au Dr Guyon, rue de la Ville-l'Évêque. Il me sonde; contraction de la vessie; prostate un peu nerveuse, rien en somme. Et ce rien, c'était tout qui commençait: l'Invasion.

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[28]

Prodromes très anciens. Douleurs singulières: grands sillons de flammes découpant et illuminant ma carcasse.

Rêve de la quille de bateau, si fine et douloureuse.

Brûlure des yeux. Douleur horrible des réverbérations.

 

*  *  *

Et aussi, dès ce temps-là, fourmillement des pieds, brûlure, sensibilité.

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D'abord susceptibilité pour les bruits: pelle, pincettes près du foyer; déchirement des coups de sonnettes; montre: toile d'araignée dont le travail commence à quatre heures du matin.

Hyperesthésie de la peau, diminution du sommeil, puis crachements de sang.

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«La cuirasse.» Les premières sensations que j'en ai eu. Étouffement d'abord, dressé sur mon lit, effaré.

 

*  *  *

Premiers temps du mal qui me tâte partout, choisit son terrain. Un moment les yeux; mouches [29] volantes; diplopie; puis les objets coupés en deux, la page d'un livre, les lettres d'un mot, lues à demi, tranchées comme avec une serpe; coupure en croissant. J'attrape les lettres au vol d'un jambage.

*  *  *

Mes amis, je coule, je m'enfonce, atteint sous la flottaison. Mais le pavillon cloué au mât, feu de partout et toujours, même dans l'eau, l'agonie.

Tant pis pour les coups perdus et les gafouillades, je tire!

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Visite à la petite maison, là-bas (2).

Depuis déjà longtemps, depuis le bromure, je n'avais pas eu recours à la morphine.

Passé là trois heures charmantes; la piqûre ne m'a pas trop bouleversé, et toujours rendu bavard, extravasé. Toute cette fin de journée un peu roulante et comme absinthée.

Le soir, dîné avec Goncourt, causerie jusqu'après onze heures, l'esprit libre.

Mauvaise nuit, réveillé en sursaut à trois heures; pas de douleurs, mais des nerfs et la peur de la douleur. J'ai dû reprendre du chloral – [30] ça m'a fait 3 gr. 1/2 pour la nuit – et lire vingt minutes.

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Je suis en ce moment avec le vieux Livingstone, au fond de l'Afrique, et la monotonie de cette marche sans fin, presque sans but, ces préoccupations perpétuelles de hauteur barométrique, de repas vagues, ce déroulement silencieux, inagité, de grands paysages, est vraiment pour moi une lecture merveilleuse (3).

Mon imagination ne demande presque plus rien au livre, qu'un cadre où elle puisse vaguer. – «Je fais trois trous de plus à ma ceinture et je me serre», dit le bon vieux fou, un jour de famine. Quel excellent voyageur j'aurais fait dans l'Afrique Centrale, moi, avec ma contraction des côtes, l'éternelle ceinture que je porte, des trous de douleur, le goût de manger à jamais perdu.

*  *  *

Bien singulière cette peur que me fait la douleur maintenant, du moins cette douleur-là. C'est supportable, et pourtant je ne peux pas la supporter. C'est un effroi; et l'appel aux anes-thésiques comme un cri au secours, un piaillement de femme avant le vrai danger.

 

*  *  *

[31]

La petite maison de la rue ***. J'y pense. Je me défends longtemps. Puis j'y vais. Soulagé même dès l'arrivée. Douceur. Jardin. Un merle qui chante.

Jambe fauchée. Sans douleur. Terreurs.

 

*  *  *

Forces perdues. Sur le boulevard Saint-Germain une voiture m'arrive dessus. Marionnette détraquée. (Une autre fois voulu courir après Zézé, dans une allée de Champrosay.)

*  *  *

La chaussée à traverser, quel effroi! Plus d'yeux, l'impossibilité de courir, souvent même de presser le pas. Des terreurs d'octogénaire – les petites vieilles macabres des Fleurs du Mal.

Songes de suicide. – Rencontre de N*** et ce qu'il me dit, continuant ma pensée: ... «Entre la première et la seconde côte». (Strychnine.) – On n'a pas le droit.

*  *  *

Mémoire. Faiblesse.

Fugitif de mes impressions: une fumée sur un mur.

 

*  *  *

[32]

Effet des émotions vives: deux marches descendues chaque fois. On sent qu'on puise, à ces moments, au foyer même de la vie, qu'on attaque le capital, déjà si bas.

J'ai eu depuis un an cette impression très forte, à deux fois; une surtout, et pour une cause si niaise, si basse, un stupide drame de domestiques à la campagne. Le duel Drumont-Meyer aussi.

Et chaque fois j'ai senti sur ma figure et par tout mon corps ce curieux creusement, ce travail au couteau, opéré sur mon triste personnage.

Duruy (4) me disait avoir été frappé de cette décomposition de mes traits, sur le terrain, en pleine tragédie. Un creux qui reste.

 

*  *  *

De quoi est faite la bravoure d'un homme? Voilà maintenant qu'en voiture les écarts d'une rosse de fiacre, un cocher pochard, me préoccupent et m'apeurent.

*  *  *

Depuis ma maladie, je ne peux plus voir se pencher à une fenêtre ma femme ni mes enfants.

[33]

Et s'ils s'approchent d'un parapet, d'une rampe, tout de suite, tremblement de mes pieds, de mes mains. Angoisse; pâleur. (Souvenir du Pont-du-Diable, près Villemagne.)

 

*  *  *

... Du jour où la Douleur est entrée dans ma vie...

 

*  *  *

Endroits où j'ai souffert. Soirée chez les Z***. L'homme au piano, chantant: «Gamahut, écoutez-moi donc». Visages blafards, décolorés. Je cause sans savoir ce que je dis. Erré dans les salons. Rencontré Mme G*** malheureuse femme dont je sais les douloureux et lamentables dessous. Les femmes sont héroïques pour souffrir dans le monde, leur champ de bataille.

*  *  *

Tous les soirs, contracture des côtes atroce. Je lis, longtemps, assis sur mon lit – la seule position endurable; pauvre vieux Don Quichotte blessé, à cul dans son armure, au pied d'un arbre.

Tout à fait l'armure, cruellement serrée sur les reins d'une boucle en acier – ardillons de braise, pointus comme des aiguilles. Puis le chloral, le «tin-tin» de ma cuiller dans le verre, et le repos.

Des mois que cette cuirasse me tient, que je n'ai pas pu me dégrafer, respirer.

*  *  *

[34]

Errant la nuit dans les corridors, j'entends sonner quatre heures à des tas de clochers, de pendules, proches ou lointains, et cela durant dix minutes.

Pourquoi pas la même heure pour tous? Et les raisons m'en viennent en foule. Au résumé, nos vies sont très différentes les unes des autres, et les écarts de l'heure symbolisent cela.

 

*  *  *

La caserne voisine (5). Voix de santé, jeunes et fortes. Fenêtres allumées toute la nuit. Taches blanches au fond du couloir.

Ce que j'ai souffert hier soir – le talon et les côtes! La torture... pas de mots pour rendre ça, il faut des cris.

D'abord, à quoi ça sert, les mots, pour tout ce qu'il y a de vraiment senti en douleur (comme en passion)? Ils arrivent quand c'est fini, apaisé. Ils parlent de souvenir, impuissants ou menteurs.

 

*  *  *

Pas d'idée générale sur la douleur. Chaque patient fait la sienne, et le mal varie, comme la voix du chanteur, selon l'acoustique de la salle.

 

*  *  *

[35]

La morphine. Les effets sur moi. Les nausées s'accentuant.

 

*  *  *

Par moments, impossibilité d'écrire, tellement la main tremble, surtout quand je suis debout.

(Mort de Victor Hugo, signature au registre. Entouré, regardé – terrible. L'autre jour, au Crédit Lyonnais, rue Vivienne.)

 

*  *  *

L'intelligence toujours debout, mais la faculté de sentir qui s'émousse. Je ne suis plus bon comme j'étais (6).

 

*  *  *

Une ombre à côté de moi rassure ma marche, de même que je marche mieux près de quelqu'un.

 

*  *  *

Quelquefois je me demande si ce n'est pas aux inoculations de Pasteur que je devrais recourir, tellement je sens dans ces douleurs suraiguës, ces torsions, ces secouées furieuses, ces crispations de noyé, une analogie avec l'accès rabique.

[36]

Oui, en haut de la maladie nerveuse, l'échelon suprême, son couronnement – la rage.

*  *  *

Nerveux, méchant depuis le matin. Et puis Julia (7) me déchiffre un cahier de musique tzigane. Dehors, l'orage, grêle, tonnerre – détente.

Un moment humilié de me voir un simple baromètre, engainé de verre, gradué. Je me console en songeant que dans ce baromètre-là les influences atmosphériques déterminent autre chose qu'une montée de mercure. Tant d'idées m'affluent au cerveau, et j'ai découvert une ou deux petites lois humaines, – de celles qu'il vaut mieux garder pour soi.

 

*  *  *

Remis au travail doucement (8). Très content de l'état du cerveau. Des idées toujours, la formule assez commode aussi, mais – il me semble – plus de peine à coordonner. Peut-être aussi l'habitude perdue, car voilà six mois que l'usine chôme, et que les grandes cheminées ne tirent plus.

 

*  *  *

Comme nos désirs se bornent, à mesure que l'espace se rétrécit. Aujourd'hui, je n'en suis [37] plus à désirer guérir – me maintenir seulement.

Si on m'avait dit ça l'année dernière.

 

*  *  *

L'action du bromure diminue comme dépression et perte de mémoire, malheureusement aussi comme moyen curatif.

 

*  *  *

Depuis quelque temps, après une nuit de bon sommeil au chloral, je m'éveille fatigué, nerveux, comme après mes anciennes insomnies.

 

*  *  *

Le maquillage par lourdes plaques du chloral.

 

*  *  *

Bercement divin des nuits de morphine, sans sommeil.

Réveil du jardin, le merle: dessin de son chant sur l'a pâleur de la vitre; on dirait que c'est dessiné avec la pointe de son bec, ramagé !

 

*  *  *

Les soirs de morphine, effet du chloral. L'Érèbe, le flot noir, opaque, plus le sommeil à fleur de vie, le néant. Quel bain, quelles délices quand on entre là dedans! Se sentir pris, roulé.

Au matin, douleurs, morsures, mais le cerveau libre, peut-être affiné – ou reposé, simplement.

*  *  *

[38]

Essais de sommeil sans chloral. Paupières fermées. Des abîmes s'ouvrent à droite et à gauche. Dormettes de cinq minutes, angoissées de cauchemars en glissades, dégringolades – le vertige, l'abîme.

 

*  *  *

Douleur toujours nouvelle pour celui qui souffre et qui se banalise pour l'entourage. Tous s'y habitueront, excepté moi.

 

*  *  *

Conversations avec Charcot (9). Longtemps refusé de causer avec lui; conversation qui m'effrayait. Savoir ce qu'il me dirait. «Je vous garde pour la fin.»

Belle intelligence, pas dédaigneuse du littérateur. Son observation: beaucoup d'analogie, je crois, avec la mienne.

 

*  *  *

Jolie causerie, un jour d'été, pendant un déjeuner avec Charcot tout seul. La race latine atteinte, brûlée par le soleil.

Oh! ce soleil! – Canne à sucre en fusion pour épine dorsale. Mais le Nord a l'alcool et se brûle avec.

*  *  *

[39]

Formes de la douleur.

Quelquefois, sous le pied, une coupure, fine. fine – un cheveu. Ou bien des coups de canif sous l'ongle de l'orteil. Le supplice des brodequins de bois aux chevilles. Des dents de rats très aiguës grignotant les doigts de pied.

Et dans tous ces maux, toujours l'impression de fusée qui monte, monte, pour éclater dans la tête en bouquet: «Processus», dit Charcot.

 

*  *  *

Douleurs intolérables au talon se calmant en changeant la jambe de place. Des heures, des moitiés de nuit passées mon talon dans la main.

 

*  *  *

Trois mois plus tard.

Je reprends mes douches. Douleur nouvelle et bizarre pendant qu'on me sèche et frictionne les jambes. C'est dans les tendons du cou – côté droit pour frictions à la jambe gauche et côté gauche pour la jambe droite. Une torture énervante, à crier.

 

*  *  *

La seringue chargée: antichambre du dentiste.

 

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[40]

Sensation de la jambe qui échappe, glisse sans vie. Quelquefois aussi un jeté involontaire.

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Tremblement de terre ou pont de navire secoué. Geste cliché, les jambes qui tricotent, les bras tendus cherchant un appui. Clichés du geste, si peu nombreux (10).

(10) Beaucoup des notes qui suivent sont jetées à travers le premier état du manuscrit de Port-Tarascon.

 

*  *  *

Toujours faire appel à sa volonté pour les choses les plus simples, les plus naturelles, marcher, se lever, s'asseoir, se tenir debout, quitter ou remettre un chapeau. Est-ce horrible! Il n'y a que sur la pensée et son perpétuel mouvement que la volonté ne peut rien. – Ce serait pourtant si bon de s'arrêter; mais non, l'araignée va, va, nuit et jour, sans trêve, seulement quelques heures, à coups de chloral. Car voilà des années et des années que Macbeth a tué le sommeil.

 

*  *  *

Douleur qui se glisse partout, dans ma vision, mes sensations, mes jugements; c'est une infiltration.

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[41]

Longue conversation avec Charcot.

C'est bien ce que je pensais. J'en ai pour la vie.

Cela ne m'a pas porté le coup que j'aurais dû attendre.

 

*  *  *

«De tous les instants de ma vie.» Je peux dater ma douleur comme Mlle de Lespinasse datait son amour.

 

*  *  *

Depuis que je sais que c'est pour toujours – un toujours pas très long, mon Dieu! – Je m'installe et je prends de temps en temps ces notes avec la pointe d'un clou et quelques gouttes de mon sang sur les murailles du carcere duro.

Tout ce que je demande, c'est de ne pas changer de cachot, de ne pas descendre dans un des in pace que je connais, là-bas où il fait noir, où la pensée n'est plus.

*  *  *

Et pas une fois, ni chez le médecin, ni à la douche, ni dans les villes d'eau où la maladie se traite, son nom, son vrai nom prononcé, «maladie de la moelle»! Les livres scientifiques même s'intitulent «Système nerveux»!

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[42]

Il Crociato. Oui, c'était cela, cette nuit. Le supplice de la Croix, torsion des mains, des pieds, des genoux, les nerfs tendus, tiraillés à éclater. Et la corde rude sanglant le torse, et les coups de lance dans les côtes. Pour apaiser ma soif sur mes lèvres brûlées dont la peau s'enlevait, desséchée, encroûtée de fièvre, une cuillerée de bromure iodé, à goût de sel amer: c'était l'éponge trempée de vinaigre et de fiel.

Et j'imaginais une conversation de Jésus avec les deux Larrons sur la Douleur.

*  *  *

Plusieurs jours de calme. Sans doute les bromures et les belles chaleurs de cette fin de juin.

Cruelles heures au chevet de Julia... Rage de me sentir si cassé, si faible pour la soigner, mais toute ma pitié encore, toute ma tendresse toujours vivante, et mon aptitude à souffrir par le coeur, jusqu'au supplice... Et j'en suis bien content, malgré les terribles douleurs revenues aujourd'hui.

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Analyse du sommeil par le chloral. – Fini, c'est une roche à pic, que je ne peux plus regrimper.

Par exemple, vingt minutes délicieuses, celles [43] qui coupent mes deux prises de chloral. Lecture que j'ai soin de choisir très élevée. – Lucidité singulière.

*  *  *

Deux jours de grandes souffrances.

Contraction du pied droit, avec fulgurations jusque dans les côtes. Tous les tiraillements de ficelles de l'homme-orchestre agitant ses instruments. Sur la route de Draveil, ficelles aux coudes, aux pieds... L'homme-orchestre de la douleur, c'est moi.

 

*  *  *

La vie du mal. Efforts ingénieux que fait la maladie pour vivre. On dit: «Laissez faire la nature.» Mais la mort est dans la nature autant que la vie. Durée et destruction se combattent en nous à forces égales. Comme adresse du mal à se propager, j'ai vu des choses étonnantes. Amours de deux poitrinaires, ardeur à s'accrocher. La maladie semble se dire: «Quelle belle greffe.» Et le produit morbide qui sortirait de là!

Le mot des infirmiers: «Une belle plaie... La plaie est magnifique.» – On croirait qu'ils parlent d'une fleur.

 

*  *  *

Hier soir, vers dix heures, une ou deux minutes d'angoisse atroce dans mon cabinet de travail.

[44]

Assez calme, j'écrivais une lettre bête – page très blanche, toute la lumière d'une lampe anglaise concentrée dessus, et le cabinet, la table, plongés dans l'ombre.

Un domestique est entré, a posé un livre ou je ne sais quoi sur la table. J'ai relevé la tête, et, à partir de ce moment, j'ai perdu toute notion pendant deux ou trois minutes. Je devais avoir l'air bien stupide, car le domestique m'a expliqué, devant l'interrogation de ma face, ce qu'il était venu faire. Je n'ai pas compris ses paroles et ne me les rappelle plus.

L'horrible, c'était que je ne reconnaissais pas mon cabinet: je savais que j'y étais, mais j'avais perdu le sens de son endroit. J'ai dû me lever, m'orienter, tâter la bibliothèque, les portes, me dire: «C'est par là qu'on est entré».

Peu à peu, mon esprit s'est rouvert, les facultés remises en place. Mais je me rappelle l'aiguë sensation de blancheur de la lettre que j'écrivais, rayonnant sur la table toute noire.

Effet d'hypnotisme et de fatigue.

Ce matin, écrivant en hâte ceci, je me rappelle qu'il y a deux ans, en voiture, après avoir fermé les yeux quelques instants, je me suis trouvé tout à coup sur des quais illuminés, dans un Paris que je ne connaissais pas. Tout le corps hors de la portière, je cherchais, regardant la rivière, l'alignement des maisons grises en face, [45] et une sueur de peur m'inondait. Brusquement, au tournant d'un pont, reconnu le Palais de Justice, le quai des Orfèvres, et le mauvais rêve s'est dissipé.

 

*  *  *

Nervosisme. Impossible d'écrire une enveloppe que je sais vue, regardée de tous, et je peux guider ma plume à mon gré dans l'intimité d'un carnet de notes.

*  *  *

Modification de l'écriture...

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Cette nuit, la douleur en petit oiseau-pück sautillant ici, là, poursuivi par la piqûre; sur tous les membres de mon corps, à la fourche des articulations; manqué, toujours manqué, et de plus en plus aigu.

*  *  *

Deux ou trois exemples où la morphine est vaincue par l'antipyrine. Fulgurations dans le pied, muscles broyés par un camion, coups de lance dans le petit doigt.

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Épigraphe: Dictante dolore.

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[46]

Dans ma pauvre carcasse creusée, vidée par l'anémie, la douleur retentit comme la voix dans un logis sans meubles ni tentures. Des jours, de longs jours où il n'y a plus rien de vivant en moi que le souffrir.

 

*  *  *

Après avoir beaucoup usé d'acétanilide, – bleuissement des lèvres, anéantissement du moi assommé – je viens de faire toute une année d'antipyrine. Deux ou trois grammes par jour. Tous les huit à dix jours, morphine à petites doses. Sans joie, l'antipyrine, et depuis quelque temps d'une action cruelle sur l'estomac et les intestins.

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La suspension. Appareil de Seyre.

Sinistres, le soir, chez Keller, ces pendaisons de pauvres ataxiques. Le Russe qu'on pend assis. Deux frères; le petit noiraud gigotant.

Je reste jusqu'à quatre minutes en l'air, dont deux soutenu seulement par la mâchoire. Douleur aux dents. Puis, en descendant, quand on me détache, horrible malaise dans la région dorsale et dans la nuque, comme si toute ma moelle se fondait. Je suis obligé de m'accroupir et me [47] redresser peu à peu, à mesure – me semble-t-il – que la moelle étirée reprend sa place.

Nul effet curatif sensible.

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Treize suspensions. Puis crachements de sang que j'attribue à la fatigue congestionnante du

traitement.

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Tout fuit... La nuit m'enveloppe...

Adieu, femme, enfants, les miens, choses de mon coeur...

Adieu, moi, cher moi, si voilé, si trouble...

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*  *  *

Au lit. Dysenterie. Deux piqûres de morphine par jour, environ vingt degrés. Depuis, impossible de m'en déshabituer. Mon estomac s'acclimate un peu; à cinq, six gouttes, je ne vomis plus, mais je ne peux plus manger. Obligé de continuer le chloral.

Morphine prise auparavant, sommeil très bon. Si piqûre dans la nuit, après le chloral, sommeil interrompu, fini jusqu'au matin. Agitation, toutes les idées en rumeur, succession frénétique d'images, de projets, sujets – lanterne magique. [48] Le lendemain, fumée dans la tête, disposition au tremblement.

Chaque piqûre interrompt la douleur pour trois ou quatre heures. Après viennent les «guêpes», ardillonnements ça et là précédant la douleur cruelle, installée.

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Stupeur et joie de trouver des êtres qui souffrent comme vous. Duchesne de Boulogne venant réveiller le vieux Privat un soir: «Tous ataxiques!»

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L'histoire de X*** m'apparaît aujourd'hui dans tout son navrement. Ténèbres où il a vécu, avec ce mal de la moelle qui le tenaillait déjà, qu'il traînait partout sans que personne, dans ce temps-là, y comprît rien. «Oh! ce X***», disait-on, «malade imaginaire». Risée de tous les siens avec son clystère, son pot d'eau de guimauve, etc.

 

*  *  *

S*** prétend que le bromure l'apaise, le rend raisonnable, ratiocineur, le tourne au Pru-dhomme.

La vie de son père, mangeant debout, toujours en marche, picorant ça et là des assiettes posées tout autour de la salle à manger.

 

*  *  *

[49]

X*** et son malade, que je rencontrais à la gare. Tous les diagnostics. Figure de cet homme si riche. Poignées qu'il a fait mettre chez lui, sorte de balustrade, de rampe, où il s'accroche quand la crise le prend. Dort debout, comme un cheval devant sa mangeoire.

Bien pensé à cet homme-là en écrivant L'Évangéliste, associant cette image d'un être avec le paysage de rails, train qui arrive, express, maison de D*** R*** qu'on apercevait.

*  *  *

X*** me parle de son beau-père. La fille, huit ans près du malade, veillant nuit et jour, le lavant, le retournant; ongles des pieds et des mains, etc. Donné sa vie à ça. Il meurt avec un petit cri. Stupeur de la pauvre femme devant ce peu, ce rien de vie qui finissait tout de même. «Elle ne va donc pas fermer la bouche», pensait X***, agacé. Dernière toilette, et puis c'est fini. Seule dans la vie maintenant, ne sachant à quoi se prendre, qui aimer, qui soigner. Prisonnier sorti de Melun, après une longue incarcération, et qui se retrouve dans la rue.

 

*  *  *

Lu La Maladie à Paris, de Xavier Aubryet. Souffert quatre ans. Tortures de boulevard. Gé-[50]nérosité de Brébant; charités de la Maison d'Or. Piqûres de morphine. Cul-de-jatte.

Très catholique: «Je n'ai que ça... Laissez-moi, mon Dieu!...»

Soigné à la fin par une vivandière qui le terrifiait. Rosserie de Claudin.

Les mains crispées, utiles encore. Aveugle à la fin. Mort à tâtons. Vives douleurs.

*  *  *

Xavier Aubryet s'indignant que l'on ne s'occupe pas de lui. (Moi, je voudrais être seul, un an, à la campagne; ne voir personne que ma femme. Et les enfants venant tous les huit jours.)

 

*  *  *

La Madeleine, au moins, s'est caché.

Fini dans le Midi, près de Carpentras; campagne chez sa soeur.

Pense un jour au Café Riche, une couverture sur ses genoux – regard désespéré sur le boulevard, qui l'avait tué, qui avait tué Aubryet.

La table du Café Riche en face celle du Café Anglais. Torture cérébrale.

Journée à Auteuil (11). Jardin plein de rosés, où me poursuit, dans le doux soleil et l'odeur des [51] fleurs cuites, l'image du pauvre Jules, hébété sous son chapeau de paille, «dans les espaces vides. (12)».

 

*  *  *

Jules de Goncourt et Baudelaire. Maladies de gens de lettres. L'aphasie.

*  *  *

Préoccupé depuis un mois de la fin du monde dont j'ai eu une précise vision, je lis que Baudelaire, dans les derniers temps de sa vie pensante, était hanté par cette même idée de livre. L'aphasie est venue peu après...

*  *  *

A joindre Léopardi à la liste des aînés, des sosies de ma douleur.

 

*  *  *

Le grand Flaubert, comme il peinait à la quête des mots! N'est-ce pas l'énorme quantité de bromure qu'il absorbait qui lui faisait le dictionnaire si rebelle?

*  *  *

J'ai donné à mon fils (13) pour sujet de thèse: la névrose de Pascal.

 

*  *  *

[52]

Un soir, onze heures, lumières éteintes, maison couchée, on frappe. – «C'est moi.» X*** s'assied pour une minute, reste deux heures. Belles confidences sur la manie du suicide qui l'habite. Son frère aîné, son grand-père, etc. Histoire d'O. X***. Haine contre le frère. Le mal nerveux d'O*** dans la tête. Jambes attaquées aussi. Je connais cette roideur automatique, engainée.

*  *  *

Henri Heine me préoccupe beaucoup. Maladie que je sens semblable à la mienne.

*  *  *

Je me demande si, parmi mes sosies en douleur du passé, Jean-Jacques ne devrait pas prendre place, si sa maladie de vessie n'était pas, comme il arrive souvent, prodrome et annexe de la maladie de la moelle.

 

*  *  *

Morphine.

Anesthésique que rien ne remplace.

Colère imbécile qu'il suscite.

Mais est-ce que l'opium n'était pas là auparavant? Benjamin Constant, Mme de Staël en abusaient. Je vois dans la correspondance d'Henri Heine qu'il en prenait tous les jours à forte dose. [53] Curieuse à suivre dans ses trois volumes de lettres, toutes d'affaires, la maladie du poète commençant par des névralgies dans la tête, «tout jeune», puis, huit ans de lit et de tortures.

*  *  *

Si j'écrivais un éloge de la morphine, je parlerais de la petite maison de la rue ***  (14).

Hélas! fini maintenant. Parti, mon vieux compagnon, celui qui me faisait mes piqûres.

Sensation profonde quand j'ai vu sa montre qu'on m'apportait près de mon lit, sa seringue Pravaz, sa pierre à aiguiser, ses aiguilles qui, tout à coup, m'ont semblé s'animer, grouiller, sangsues venimeuses, dards vivants – de crotales et d'aspics – corbeille de figues de Cléopâtre.

Elle serait belle à écrire, cette vie enclose, sans trop vives douleurs, presque toujours au lit depuis des années. Livres, revues, journaux, un peu de peinture. Et la montre dans son boîtier régularisant cette existence immobile et menue.

Il y tenait, à cette vie. Une seule peur: l'angoisse du mauvais passage.

Pauvre ami. C'est fait, maintenant.

 

*  *  *

Habile façon dont la mort fauche, fait ses coupes, mais seulement des coupes sombres. Les [54] générations ne tombent pas d'un coup; ce serait trop triste, trop visible. Par bribes. Le pré attaqué de plusieurs côtés à la fois. Un jour, l'un; l'autre, quelque temps après; il faut de la réflexion, un regard autour de soi pour se rendre compte du vide fait, de la vaste tuerie contemporaine.

*  *  *

Ah! qu'il faille tant de fois mourir avant de mourir...

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Deux ans et demi sans notes.

J'ai travaillé (15). J'ai souffert.

Découragement. Lassitude.

Toujours même chanson; des douches; Lamalou.

Depuis l'année dernière, des troubles dans les jambes. Impossibilité de descendre un escalier sans rampe, de marcher sur des parquets cirés. Parfois je perds le sentiment d'une partie de mon être – tout le bas; mes jambes s'embrouillent.

*  *  *

[55]

Changement d'état : marcher mal. Ne plus marcher.

 

*  *  *

Longtemps j'ai eu l'effroi de la petite voiture, je l'entendais venir, rouler. J'y songe moins à cette heure, et sans l'épouvante des premiers jours. Il est rare qu'on souffre, paraît-il, quand on en est là... Ne plus souffrir...

*  *  *

Piqûre de morphine. Plusieurs fois faite à un certain endroit de la jambe: picotement suivi d'une insupportable brûlure dans le dos, le haut du torse, à la face, aux mains. Sensation souscutanée, sans doute superficielle mais terrorisante: on sent l'apoplexie au bout.

Écrit pendant l'une de ces crises.

 

*  *  *

Imbéciles qui supposent que je suis venu à Venise pour être quelques instants l'hôte de l'Empereur d'Allemagne (16).

Comme si la douleur n'était pas la plus despotique, la plus jalouse des hôtesses impériales.

*  *  *

[56]

Je voudrais vivre terré comme une taupe, seul, seul.

 

*  *  *

O ma douleur, sois tout pour moi. Les pays dont tu me prives, que mes yeux les trouvent dans toi. Sois ma philosophie, sois ma science.

 

*  *  *

Montaigne, vieil ami; plaint surtout les douleurs physiques.

 

*  *  *

Croissance morale et intellectuelle par la douleur, mais jusqu'à un certain point.

*  *  *

Don Juan blessé, amputé. Ce serait un beau drame à écrire. Lui qui «les connaît toutes», le montrer soupçonneux, rongé, se traînant sur ses pilons pour écouter aux portes, saignant, lâche, furibond, en larmes.

 

*  *  *

La sensation mythologique, l'insensibilisation et le durcissement du torse étreint dans une gaine de bois ou de pierre, et le malade, à mesure que la paralysie monte, se changeant peu à peu [57] en arbre, en rocher, comme une nymphe des métamorphoses.

 

*  *  *

La lutte, ce qu'il y a de plus affreux.

Au moins, le jour où il n'y a plus moyen de bouger...

 

*  *  *

Effet de morphine.

Réveil dans la nuit, avec le seul sentiment d'être. Mais l'endroit, l'heure, l'identité d'un moi quelconque, absolument perdus.

Aucune notion.

Sensation de cécité morale extraordinaire.

 

*  *  *

Indirection des mouvements dans la nuit.

 

*  *  *

Première partie: enfermé.

Désiré la prison pour crier: m'y voilà.

Immobile!

Et ensuite?...

C'est cette aggravation de peine qui fait le terrible.

 

*  *  *

Il (17) me nomme son exécuteur testamentaire [58] par une affectueuse attention, pour me faire croire que je vivrai plus longtemps que lui (18).

 

*  *  *

Le prisonnier voit la liberté plus belle qu'elle n'est.

Le malade se représente la santé comme une source de joies ineffables – ce qui n'est pas.

Tout ce qui nous manque est le divin.

 

*  *  *

Impossibilité de descendre seul mon perron de Champrosay, pas plus que celui de Goncourt. O Pascal!

 

*  *  *

La douleur à la campagne: voile sur l'horizon. Ces routes, ces jolis tournants n'éveillent que l'idée de fuite. S'évader, échapper au mal.

 

*  *  *

Une de mes privations, ne plus faire l'aumône. Joies que celle-ci m'a causées. L'homme – main fiévreuse – cent sous dedans tout à coup.

 

*  *  *

Stérilité. Le seul mot qui puisse rendre à peu près l'horrible état de stagnation où tombe par [59] moment l'intelligence d'un esprit. C'est le «sans foi, sans effusion» des âmes croyantes. – La note que je jette ici, inexpressive et sourde, ne parle que pour moi, écrite dans un de ces cruels malaises.

*  *  *

Écritures de toute ma vie, depuis des écritures de camarades de collège jusqu'aux petits hiéroglyphes de mon père et sa «Louis XIV commerciale» – tout cela défilant, tournoyant en gyroscope toute une moitié de la nuit. J'en étais brisé ce matin... La fin approche.

 

*  *  *

Obstination des mains à se recroqueviller au matin sur le drap, comme des feuilles mortes, sans sève.

 

*  *  *

Vision de Jésus en croix, au matin sur le Golgotha. L'humanité. Cris.

 

*  *  *

Ce matin, sensations émoussées, comme au lendemain de lourds excès. Effet des mêmes anesthésiques trop longtemps employés.

 

*  *  *

Je voudrais que mon prochain livre ne fût pas trop cruel. J'ai eu la dernière fois le senti-[60]ment que j'étais allé trop loin (19). Pauvres humains! il ne faut pas tout leur dire, leur donner mon expérience, ma fin de vie douloureuse et savante. Traiter l'humanité en malade, dosages, ménagements; faisons aimer le médecin au lieu de jouer au brutal et dur charcuteur.

Et ce prochain livre qui serait tendre et bon (20), indulgent, j'aurais un grand mérite à l'écrire, car je souffre beaucoup. Fierté de ne pas imposer aux autres la mauvaise humeur et les injustices sombres de ma souffrance.

*  *  *

De temps en temps, un souvenir de vie active, d'époques heureuses. Par exemple, les corailleurs napolitains le soir, dans les roches. Le plein du bonheur physique.

*  *  *

Retour à l'enfance. – Pour atteindre ce fauteuil, traverser ce corridor ciré, autant d'efforts et d'ingéniosité que Stanley dans une forêt d'Afrique.

*  *  *

Ma détresse est grande et j'écris en pleurant.

 

*  *  *

[61]

Se dire qu'on pourrait peser, un jour, mettre en fuite...

 

*  *  *

Effroi. Coeur serré. Contact avec la vie si dure, depuis mon isolement dans la douleur.

*  *  *

Blessure, blessure d'orgueil de ceux qui nous aiment.

 

*  *  *

O puissance de la présence réelle! Depuis que je ne marche plus, qu'on ne me voit plus, j'ai appris à mes dépens à la connaître.

 

*  *  *

Le passage du Carcere duro au dursisimo.

Terreurs et désespoirs du début, et, peu à peu, comme le corps, l'esprit, s'accommodent de ce sinistre état.

Voir les dialogues de Léopardi, Le Tasse en prison, etc...

 

*  *  *

Existence finie qui n'est plus dans la vie que par le Roman – c'est-à-dire par la vie des autres.

*  *  *

[62]

L'antagonisme, c'est la vie.

*  *  *

Lutter contre les volontés mauvaises, écueils mouvants qui crèvent le navire sous la flottaison.

*  *  *

Je ne sais qu'une chose, crier à mes enfants «Vive la Vie!». Déchiré de maux comme je suis, c'est dur.

 

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(1)

Vincent Daudet, père d'Alphonse Daudet, mort en 1875. La note a été écrite en 1886. 

(2)

Chez M. X***, malade, lui aussi, et qui avait recours à la morphine. 

(3)

Quelques années plus tard, Vers le Pôle, de Nansen, devenait à son tour, pour les mêmes raisons, pendant les heures d'insomnie, le livre de chevet d'Alphonse Daudet. 

(4)

Deuxième témoin d'Édouard Drumont, lors de son duel avec Arthur Meyer. 

(5)

Caserne Bellechasse. 

(6)

En réalité, Alphonse Daudet a exercé pendant les douze dernières années de sa vie un véritable ministère de la charité. 

(7)

Mme Alphonse Daudet. 

(8)

Alphonse Daudet écrivait alors L'Immortel. 

(9)

L'Évangéliste lui est dédié. 

(10)

Beaucoup des notes qui suivent sont jetées à travers le premier état du manuscrit de Port-Tarascon. 

(11)

Chez Edmond de Goncourt. 

(12)

Voir Journal des Goncourt, 1870. 

(13)

M. Léon Daudet. 

(14)

Voir page 29. 

(15)

Pendant ces deux ans et demi, Alphonse Daudet a écrit: Port-Tarascon, L'Obstacle, pièce en quatre actes, et Rose et Ninette. 

(16)

Des journaux avaient annoncé que l'Empereur Guillaume II, qui se trouvait alors à Venise, recevrait Alphonse Daudet (1895). 

(17)

Edmond de Goncourt. 

(18)

Ce qui arriva cependant. 

(19)

Allusion à L'Immortel. 

(20)

Ce fut La Petite Paroisse.