BIBLIOTHECA AUGUSTANA

 

Jules Laforgue

1860 - 1887

 

Le Sanglot de la terre

 

4° RÉSIGNATIONS INFINIES

 

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DÉSOLATION

(Variante)

 

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Dans ces jours de grand vent où pleure tout l'Automne,

Loin de Paris, brumeux et d'averses noyé,

J'erre à travers le Bois désert et dépouillé

Chantant des vers d'adieu d'une voix monotone.

 

Je m'assieds contre un arbre; et, sans orgueil, rêvant

A tout ce que je sens de tristesses sublimes.

J'écoute s'affoler, tordant les hautes cimes,

La plainte solennelle et terrible du vent.

 

Oh ! que le vent est triste ainsi, dans les grands chênes!

C'est comme un ouragan de désolation

Qui passe, s'apaisant en lamentations

Dans un bruit infini de cascades lointaines...

 

Et je ferme les yeux; je suis seul dans le noir.

Dans le concert hurlant de mon apothéose;

Tous ces vents furieux cherchent le coeur des choses,

Et, ne le trouvant pas, pleurent de désespoir.

 

Allez! Je suis sans force, ô chaos des rafales.

Prenez mon coeur divin, et, loin de tout écho

Etouffez pour jamais ! le terrestre Sanglot,

Dans un déchaînement de clameurs triomphales.