BIBLIOTHECA AUGUSTANA

 

Jules Laforgue

1860 – 1887

 

Le Sanglot de la terre

 

Poèmes contemporains

du «Sanglot de la Terre»

 

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JEUNE SPLEEN DE MAI

 

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Pourtant, extases inconnues,

Ce n'est pas vous encor! j'attends!

Les Roses chantent au Printemps,

Soeurs orgueilleuses bienvenues,

Mais... ne sont pas assez charnues!

 

L'air blond qui joue en mes cheveux

N'a pas de langueurs assez fines;

Et trop frêles, les étamines

Meurent sous mes baisers nerveux;

Et je ne sais ce que je veux,

 

Tout le jour, énervé, méchant,

Je sanglote par les prairies;

Puis le soir, devant le couchant

Aux trop saignantes féeries,

J'ai d'anciennes morts mal guéries.

 

Il me faut l'âme du printemps!

Et toute. Oh! l'étreindre, la boire,

Dans l'ombre et l'oubli de l'Histoire!

Seul au monde, j'attends, attends.

Ah! je ne puis rester longtemps!

 

Pourquoi rager, changer de place,

Tout sent bon, tout est verre et chaud,

L'azur est toujours dur là-haut,

Seul, je me tords et les nuits passent;

Si j'allais être fou bientôt...