BIBLIOTHECA AUGUSTANA

 

Alphonse de Lamartine

1790 - 1869

 

Méditations poétiques

 

1820

 

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L'automne.

 

SALUT! bois couronnés d'un reste de verdure!

Feuillages jaunissants, sur les gazons épars!

Salut, derniers beaux jours! le deuil de la nature

Convient à la douleur et plaît à mes regards.

 

Je suis d'un pas rêveur le sentier solitaire;

J'aime à revoir encor, pour la dernière fois

Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière

Perce à peine à mes pieds l'obscurité des bois!

 

Oui, dans ces jours d'automne où la nature expire,

A ses regards voilés, je trouve plus d'attraits;

C'est l'adieu d'un ami, c'est le dernier sourire

Des lèvres que la mort va fermer pour jamais!

 

Ainsi, prêt à quitter l'horizon de la vie,

Pleurant de mes longs jours l'espoir évanoui,

Je me retourne encore, et d'un regard d'envie

Je contemple ses biens dont je n'ai pas joui!

 

Terre, soleil, vallons, belle et douce nature,

Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau;

L'air est si parfumé! la lumière est si pure!

Aux regards d'un mourant le soleil est si beau!

 

Je voudrais maintenant vider jusqu'à la lie

Ce calice mêlé de nectar et de fiel!

Au fond de cette coupe où je buvais la vie,

Peut-être restait-il une goutte de miel?

 

Peut-être l'avenir me gardait-il encore

Un retour de bonheur dont l'espoir est perdu!

Peut-être, dans la foule, une âme que j'ignore

Aurait compris mon âme, et m'aurait répondu!

 

La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphire,

A la vie, au soleil, ce sont là ses adieux;

Moi, je meurs et mon âme, au moment qu'elle expire,

S'exhale comme un son triste et mélodieux.