BIBLIOTHECA AUGUSTANA

 

Nina de Villard

1843 -1884

 

Feuillets parisiens

 

1885

 

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I

DEUX SONNETS

 

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Tristan & Iseult

 

Iseult

O timide héros oublieux de mon rang,

Vous n'avez pas daigné saluer votre dame!

Vos yeux bleus sont restés attachés sur la rame.

Osez voir sur mon front la fureur d'un beau sang.

 

Tristan

J'observe le pilote assoupi sur son banc,

Afin que le navire où vient neiger la lame

Nous conduise tout droit devant l'épitalame.

Je suis le blanc gardien de votre honneur tout blanc

 

Iseult

Qu'éclate sans pitié ma tendresse étouffée!

Buvez, Tristan. Je suis la fille d'une fée;

Ce breuvage innocent ne contient que la mort.

 

Tristan

Je bois, faisant pour vous ce dont je suis capable.

O charme, enchantement, joie, ivresse, remord!

Je renferme l'amour, ce breuvage coupable.

 

 

 

La jalousie du jeune dieu

 

Un savant visitait l'Egypte; ayant osé

Pénétrer dans l'horreur des chambres violettes,

Où les vieux rois Thébains, en de saintes toilettes,

Se couchaient sous le roc, profondément creusé,

 

Il vit un pied de femme, et le trouva brisé

Par des Bédouins voleurs de riches amulettes.

Le beaume avait saigné le long des bandelettes,

Le henné ravivait les doigts d'un ton rosé.

 

Car ce pied conservait dans ses nuits infernales

Le charme doux et froid des choses virginales:

L'amour d'un jeune dieu l'avait pris enfantin.

 

Ayant baisé ce pied posé dans l'autre monde,

Le savant fut saisi d'une terreur profonde

Et mourut furieux, le lendemain matin.