BIBLIOTHECA AUGUSTANA

 

Antonius Astesanus

1412 - 1463

 

Epistolae Caroli Aurelianensis

(ab Antonio scriptae)

 

Praefatio

 

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Ces quatre lettres, les seules que nous ayons pu rencontrer, devaient être accompagnées de plusieurs autres, où l'on aurait suivi les vicissitudes du projet de conquête de Charles d'Orléans. Après la résolution, la confiance et le commencement d'exécution, – les difficultés, le découragement, l'abandon. Dans cette période, qui comprend un peu moins de deux mois, il montre une ardeur extrême et beaucoup d'activité à réunir des alliés, des troupes, des subsides. Le séjour de neuf mois (octobre 1447 – août 1448) qu'il a fait au-delà des Alpes lui a permis de mesurer exactement l'appui matériel et moral qu'il y trouvera et d'évaluer ses espérances. Il est assuré de l'assistance du roi, à qui il envoie ses deux frères les comtes d'Angoulême et de Dunois. Il demande au duc de Bourgogne de faire passer sur le champ en Lombardie les hommes d'armes promis; le duc de Bretagne ne pourra refuser son aide, et un premier corps sera expédié avant Noël, sous la conduite de Foucauld de Saint-Germain. Puis l'argentier royal est favorable à l'affaire, et l'on sait le crédit de Jacques Cœur auprès du roi; les compagnies du comte de Foix et du duc de Bourbon sont sur le point de partir........

Toujours est-il que le défaut d'organisation et de direction obligea les troupes à rentrer en France, «sans chevaux ou harnois, le bolevart en la tester», Et le duc d'Orléans, qui pendant la campagne était resté à Lyon, avec la duchesse, s'efforçant de rassembler les secours qu'on lui avait promis et que la France occupée à de plus graves besognes ne pouvait lui fournir, retourna en Bourgogne.

Les doutes soulevés sur l'authenticité de ces lettres étaient motivés par les observations suivantes. Nous ne parlons pas des éléments matériels, de l'état intact du papier à gros grains sur lequel elles sont écrites, un pou différent de celui qui était en usage a la chancellerie du duc d'Orléans, de l'écriture cursive employée; ils seront facilement justifiés si l'authenticité du fond est démontrée. On remarquait donc; 1° un emploi constant de formes classiques, une latinité prétentieuse, mieux placée sous la plume d'un professeur de rhétorique que d'un secrétaire de chancellerie (oppidum; quippe qui; interea vero ne quicquam temporis conteratur; nec mtremini si tantum distulimus); 2° des mots italiens latinisés, inconnus en France, comme septimana; 3° des formules de respect réservées aux cours italiennes (illustris domini répété devant chaque nom de seigneur, serenissimus rex noster, etc.); 4° des traductions irrégulières de noms propres français, comme Angulomensis pour Angolesmensis, Angulomensis se rapprochant davantage par la prononciation italienne du vocable français Angoulême; 5° enfin la date de la dernière lettre, qui visiblement fait suite aux trois autres et appartient à janvier 1449, mais qui, suivant les règles du calendrier français mettant à Pâques le début de l'année, devrait être encore datée de 1148.

Pour résoudre ces difficultés, il suffit de jeter les yeux sur le nom du secrétaire qui a écrit et signé ces quatre lettres: Antonius, Ce secrétaire était le poète Antoine Astesan, d'Asti, qui avait été distingué par Charles d'Orléans, sans doute en 1447; lors de son voyage à Asti et qu'il avait ramené en France avec le titre de secrétaire, primus ducatis Astensis secretarius, comme il s'intitule lui-même. Né en 1412 à Villeneuve d'Asti, Antoine Astésan avait étudié à Pavie, d'où en 1430 il écrivait au duc d'Orléans, prisonnier en Angleterre, une longue épître en vers, contenant un épisode sur les dernières victoires de la Pucelle. Revenu dans sa ville natale, il y enseignait l'éloquence et la poésie quand le duc, se souvenant des vers de l'écolier et guidé par son goût pour la poésie et les poètes, se l'attacha et prit aussi son frère Nicolas. Pour écrire aux Astésans, il ne pouvait choisir un meilleur secrétaire, connaissant mieux la langue et l'esprit de ceux a qui il s'adressait. Ainsi nous sont expliqués et les tournures latines de Conciones, et les formules de respect, et les mots italiens ornés d'une désinence latine, et la date de 1449. Car, écrivant aux Astésans, Antoine devait se conformer au calendrier en vigueur chez eux; et dans le Milanais l'année civile, comme l'année religieuse, commençait le 25 décembre. Les objections deviennent même autant de preuves d'authenticité.