B  I  B  L  I  O  T  H  E  C  A    A  U  G  U  S  T  A  N  A
           
  Johann Joachim Müller
1661-1733
     
   


T e s t i m o n i a

Hugo Grotius (1641)
Johann Friedrich Mayer (1688)
Johann Heinrich Schminckius (ca. 1725)
Voltaire (1769)


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Hugo Grotius (1641)

Ab eo tempore [a mediaevo] nemo est qui [librum illum] viderit: quare fabulam esse arbitror.
(Hugo Grotius, Appendix ad interpretationem locorum N. Testamenti, quae de Antichristo agunt, aut agere putantur, Amsterdam 1679, cit. Schröder 1999)

 
Johann Friedrich Mayer (1688)

Neminem ego mortalium, Lector Benevole, esse arbitror, quin animus ipsi indignatione percellatur, comaeque horrore erigantur ad mentionem famosissimi istius Libri De Tribus Impostoribus.
(J. F. Mayer, Comitia Thaboritica, 1688, cit. Schröder 1999)

 
Johann Heinrich Schminckius (ca. 1725)

Novi Anglos, Gallos, Italos, & Germanos librorum prohibitorum collectores curiosissimos, qui fere omnes Orientis & Occidentis librorum thesauros excusserunt, & varios alios ejusmodi pessimos libros onsano pretio sibi comparaverunt ... Sed illis ipsis nunquam librum «de tribus impostoribus» videre licuit ... Et quae de hoc libello passim circumferuntur, fide auritorum, non oculatorium testium ut plurimum nituntur.
(J. H. Schminkius, epistola, in: J. Chr. Colerus, Anthologia sive epistolae varii argumenti ad illustrandum potius historiam ecclesiasticam et literariam comparatae, Leipzig 1725, vol. I/1, p. 196, cit. Schröder 1999)

 
Voltaire (1769)

     A l'auteur du livre des trois imposteurs

     Insipide écrivain, qui crois à tes lecteurs
Crayonner les portraits de tes Trois Imposteurs,
D'où vient que, sans esprit, tu fais le quatrième?
Pourquoi, pauvre ennemi de l'essence suprême.
Confonds-tu Mahomet avec le Créateur,
Et les œuvres de l'homme avec Dieu, son auteur? ...
Corrige le valet, mais respecte le maître.
Dieu ne doit point pâtir des sottises du prêtre:
Reconnaissons ce Dieu, quoique très-mal servi.
     De lézards et de rats mon logis est rempli;
Mais l'architecte existe, et quiconque le nie
Sous le manteau du sage est atteint de manie.
Consulte Zoroastre, et Minos, et Solon,
Et le martyr Socrate, et le grand Cicéron:
Ils ont adoré tous un maître, un juge, un père.
Ce système sublime à l'homme est nécessaire.
C'est le sacré, lien de la société,
Le premier fondement de la sainte équité,
Le frein du scélérat, l'espérance du juste.
     Si les cieux, dépouillés de son empreinte auguste,
Pouvaient cesser jamais de le manifester,
Si Dieu n'existait pas, il faudrait l'inventer.
Que le sage l'annonce, et que les rois le craignent.
Rois, si vous m'opprimez, si vos grandeurs dédaignent
Les pleurs de l'innocent que vous faites couler,
Mon vengeur est au ciel: apprenez à trembler.
Tel est au moins le fruit d'une utile croyance.
     Mais tois, raisonneur faux, dont la triste imprudence
Dans le chemin du crime ose les rassurer,
De tes beaux arguments quel fruit peux-tu tirer?
Tes enfants à ta voix seront-ils plus dociles?
Tes amis, au besoin, plus sûres et plus utiles?
Ta femme plus honnête? et ton nouveau fermier,
Pour ne pas croire en Dieu, va-t-il mieux te payer?
Ah! laissons aux humains la crainte et l'espérance.
     Tu m'objectes en vain l'hypocrite insolence
De ces fiers charlatans aux honneurs élevés,
Nourris de nos travaux, de nos pleurs abreuvés;
Des Césars avilis la grandeur usurpée;
Un prêtre au Capitole où triompha Pompée;
Des faquins en sandale, excrément des humains,
Trempant dans notre sang leurs détestables mains;
Cent villes à leur voix couvertes de ruines,
Et de Paris sanglant les horribles matines:
Je connais mieux que toi ces affreux monuments;
Je les ai sous ma plume exposés cinquante ans.
Mais, de ce fanatisme ennemi formidable,
J'ai fait adorer Dieu quand j'ai vaincu le diable.
Je distinguai toujours de la religion
Les malheurs qu'apporta la superstition.
L'Europe m'en sut gré; vingt têtes couronnées
Daignèrent applaudir mes veilles fortunées,
Tandis que Patouillet m'injuriait en vain.
J'ai fait plus en mon temps que Luther et Calvin.
On les vit opposer, par une erreur fatale.
Les abus aux abus, le scandale au scandale.
Parmi les factions ardents à se jeter,
Ils condamnaient le pape, et voulaient l'imiter.
L'Europe par eux tous fut longtemps désolée;
Ils ont troublé la terre, et je l'ai consolée.
J'ai dit aux disputants l'un sur l'autre acharnés:
«Cessez, impertinents; cessez, infortunés;
Très-sots enfants de Dieu, chérissez-vous en frères,
Et ne vous mordez plus pour d'absurdes chimères.»
Les gens de bien m'ont cru: les fripons écrasés
En ont poussé des cris du sage méprisés;
Et dans l'Europe enfin l'heureux tolérantisme
De tout esprit bien fait devient le catéchisme.
     Je vois venir de loin ces temps, ces jours sereins,
Où la philosophie, éclairant les humains,
Doit les conduire en paix aux pieds du commun maître;
Le fanatisme affreux tremblera d'y paraître:
On aura moins de dogme avec plus de vertu.
     Si quelqu'un d'un emploi veut être revêtu,
Il n'amènera plus deux témoins à sa suite
Jurer quelle est sa foi, mais quelle est sa conduite.
     A l'attrayante sœur d'un gros bénéficier
Un amant huguenot pourra se marier;
Des trésors de Lorette, amassés pour Marie,
On verra l'indigence habillée et nourrie;
Les enfants de Sara, que nous traitons de chiens,
Mangeront du jambon fumé par des chrétiens.
Le Turc, sans s'informer si l'iman lui pardonne,
Chez l'abbé Tamponet ira boire en Sorbonne.
Mes neveux souperont sans rancune et gaîment
Avec les héritiers des frères Pompignan;
Ils pourront pardonner à ce dur La Blétrie
D'avoir coupé trop tôt la trame de ma vie.
Entre les beaux esprits on verra l'union:
Mais qui pourra jamais souper avec Fréron?
(Voltaire, œuvres completes, vol. 10, Paris 1877, p. 402-405)