BIBLIOTHECA AUGUSTANA

 

Josephus Octavianus Nobilis de Sabellis

1742 - 1807

 

Vie de Giuseppe Ottaviano

Nobili-Savelli

 

Textus:

Giuseppe Ottaviano Nobili-Savelli, Circinellu ou l'homme du bois sacré.

Texte établi, traduit, annoté et présenté par François-Michel Durazzo

Bastia: Albiana - Centres d'études Salvatore-Viale, 2008

(Pro textu Francisco Michele Dyrrachio magnas gratias ago. U.H.)

 

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Vie de Giuseppe Ottaviano Nobili-Savelli

 

Giuseppe Ottaviano Savelli qui, après son mariage avec Melle Nobili de Feliceto, fit précéder son patronyme du nom de son épouse, était né en janvier 1742 à Sant'Antonino, dans une famille corse de vieille noblesse romaine, au cœur de la Balagne. Par sa mère, née Valentini à Frasso di Rostino, il était cousin au troisième degré de Paoli. Il apprit les premiers rudiments de latin auprès du père Simonpietro Antonini, bon versificateur, puis étudia la philosophie au couvent balanin des Mineurs de Saint-François-d'Aregno près de Corbara. Après la prise du pouvoir par Paoli, il poursuivit ses études à l'école que le gouvernement national avait instituée en Balagne, avant de partir en 1765 étudier la philosophie, le droit, l'algèbre et la géométrie à l'université créée par Paoli à Corte l'année précédente et dont les cours commencèrent le 7 janvier 1765. À la fin de ses études, en 1766, il fut nommé par Paoli président du magistrat de Balagne.

Après l'acquisition de la Corse par la France, par le traité de Versailles, le 15 mai 1768, Savelli prit activement part à la guerre contre l'armée de Louis XV. Suite à la malheureuse issue de la bataille de Ponte-Novo, le 8 mai 1769, il fut donc contraint d'abandonner l'île ce même mois pour se réfugier à Oneglia, sous la protection du roi de Sardaigne, d'où il passa en Toscane pour rejoindre Pascal Paoli et son frère Clément, partis le 13 juin de Porto-Vecchio pour Livourne. Une fois achevée la «normalisation» de la situation politique en Corse, Savelli, rappelé par son père, rentra brièvement en Balagne mais refusa les propositions d'emploi des Français et obtint du général de Vaux un passeport, préférant malgré tout opter pour l'exil volontaire en Toscane, où il resta – à l'exception de quelques brèves interruptions – de 1770 à 1790, se ralliant aux nombreux partisans de Paoli qui s'étaient retirés dans le grand-duché de Toscane. Pendant les années que dura son séjour toscan, il fréquenta longtemps l'université de Pise, se rapprochant de savants comme Giovanni Maria Lampredi, Lorenzo Pignotti et Mgr Stratico, qui avaient soutenu la révolution nationale de Paoli. C'est dans ce même contexte universitaire pisan qu'il connut aussi l'homme de lettres Giovanni Del Turco, qui avait projeté, après la bataille de Ponte-Novo, d'écrire une histoire de la rébellion de l'île, encouragé par Paoli et Savelli lui-même. Finalement, il eut même l'occasion de se lier d'amitié avec Vittorio Alfieri 1). C'est précisément durant les premières années de son séjour toscan que l'on doit situer la composition du Vir Nemoris. Dans une lettre datée du 11 janvier 1772 Paoli écrivait à Savelli que l'abbé Andrei, qui en 1792 sera l'un des députés corses à la Convention, était en train de traduire le poème 2) (le même que Salvatore Viale devrait transcrire et envoyer à Tommaseo dans les années 1840, considérant que le poème «sembl[ait avoir été] écrit en 1771» et peut-être achevé après 1774  3).). Début 1782, Savelli entreprit un voyage à Vienne, où il connut Pietro Metastasio qui le poussa à traduire et publier quelques odes d'Horace 4), avant de mourir le 12 avril de cette même année. Rencontre décisive si l'on en juge par l'élégie en terza rima que Savelli lui consacra 5). Plusieurs de ces odes furent mises en musique et chantées à l'initiative du Napolitain Saverio de' Rogati, traducteur d'Anacréon et de Sapho.

En mars 1790, suite à la Révolution française, Savelli rentra en Corse, sous l'impulsion de Paoli lui-même, qui le 23 décembre 1789 lui avait écrit:

Rentrez vite dans notre Patrie pour apporter vos lumières à notre peuple, dont l'oppression vient [sic] maintenant de cesser avec le retour de la Liberté. Réveillez maintenant votre fibre poétique et annoncez dans vos vers qu'en ce jour de régénération du genre humain, je peux donner la nouvelle que notre pays brise ses chaînes. 6)

Membre du Comité supérieur à Bastia, il fut d'abord secrétaire puis président de cette commission du 4 au 19 juin 1790. Deux mois après le retour dans l'île de Paoli, le 14 juillet 1790, il fut nommé procureur syndic par le Directoire du district de L'Île-Rousse, présidé par Pascal Fondacci de l'Assemblée électorale d'Orezza, charge qu'il exerça jusqu'en 1792, le Directoire du département le relevant alors de ses fonctions suite aux incidents au cours desquels la maison des frères Arena fut dévastée le 28 février de cette même année. Après le complot à la suite duquel Paoli fut mis hors la loi par le décret de la Convention du 2 avril 1793, Savelli resta fidèle à celui-ci et le suivit dans l'aventure qui aboutit à la création du royaume anglo-corse, le 19 juin 1794.

Le 21 juin 1794, il fut choisi, avec Giovanni Francesco Galeazzi de Penta di Casinca, Pietro Paolo Colonna-Cesari de Porto-Vecchio et Francesco Maria Pietri-Fozzano de Belvédère, pour aller présenter à George III la constitution de la Corse, votée le 19, qui en faisait une nation indépendante sous la protection de l'Angleterre. Rentré en Corse au début de juillet 1795, il fut nommé conseiller d'État par le gouvernement anglo-corse, charge qu'il ne conserva toutefois que quelques semaines à cause de son différend avec le vice-roi de Corse, sir Gilbert Elliot, qui lui reprochait ses intrigues londoniennes, son hostilité envers Pozzo di Borgo et sa prise de position dans l'affaire du buste de Paoli 7). Quand, après l'exil de Paoli le 13 octobre 1795 et l'ordre d'évacuer l'île reçu en 1796 par sir Gilbert, l'expérience du royaume anglo-corse arriva à son terme et la Corse revint sous la domination française, Savelli fut exclu de l'amnistie octroyée par la République française pour avoir fait partie de la mission qui avait offert la souveraineté au souverain anglais, malgré son engagement à renoncer à la vie politique pour se consacrer à l'étude. Il fut donc contraint de s'exiler de nouveau et revit en avril 1797 la Toscane, où il se retira à Montegufoni, près de Florence, chez son hôtesse la comtesse Marianna Acciaioli.

Là, Savelli continua d'étudier et de traduire des vers latins, et en 1800, fit un voyage de deux mois à Rome au retour duquel il s'arrêta à Foligno, donnant à imprimer la traduction entière d'Horace 8) grâce à l'aide financière mise à sa disposition par Paoli. Mais il se remit un peu plus tard au travail pour parachever une version corrigée de la même édition, avant de mourir à Florence d'une longue maladie, le 27 mai 1807, moins de quatre mois après Pascal Paoli. Il fut enterré le 29 mai au prieuré de la villa de Montegufoni. Sur son tombeau est gravée une inscription latine de l'abbé Zipoli, secrétaire du grand-duc Ferdinand III et précepteur du prince héritier:

 

Ci-gît la dépouille mortelle de Giuseppe Ottavio Nobili-Savelli, de l'une des plus illustres familles corses, remarquable par son ancienneté et par ses charges, qui, en homme très pieux, insigne adorateur des Muses, cher entre tous à sa Patrie, à tous les gens de bien et aux Toscans, est mort à Florence le 27 mai de l'année du Seigneur 1807, à l'âge de 65 ans. Le père Giovanni Battista et Filippo, en l'honneur de leur père aimé, et la comtesse Marianna Acciaioli en celui de son cher et doux ami ont posé non sans larmes cette plaque 9).

 

 

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1) À propos de l'atmosphère universitaire à Pise et du soutien apporté à la cause paoliste, voir Carlo Bordini, Rivoluzione corsa e illuminismo italiano, Rome, éd. Bulzoni, 1979, pp. 47-75. 

2) Paoli écrit: «Je crois savoir que notre compatriote, l'abbé Andrei, est en train de traduire vos vers [sic]» (lettre reproduite in A. Gianola, «Il ‹Pasquale Paoli› del Guerrazzi e il Vir Nemoris del Savelli», in Archivio storico di Corsica, n° 3, 1930, pp. 405-406). Il n'existe aucune trace de la traduction annoncée par Paoli. 

3) Annotations de Viale au deuxième manuscrit (V) du Vir Nemoris envoyé à Tommaseo contenant de nombreuses notes historiques concernant le poème de Savelli, dont l'une qui serait relative à la cruauté du comte de Narbonne en déduit que le deuxième livre du Vir Nemoris ne peut pas avoir été achevé avant 1774. (Biblioteca Nazionale Centrale di Firenze – infra BNCFi –, Carte Tommaseo, cass. 143, ins. 42). F.-M. Durazzo récuse cette interprétation, voir sa note 76 (V 123r, T 17, Livre II, v. 443). 

4) Le Odi di Q. Orazio Flacco, tradotte in versi toscani di vario metro da Giuseppe Ottavio Nobili-Savelli di Corsica, Livourne, chez Giovan Vincenzo Falorni, 1784. 

5) In morte dell'ab. Pietro Metastasio, Elegia di Giuseppe Ottavio Nobili-Savelli di Sant'Antonino, in Corsica, Bastia, dalla stamperia Fabiani, 1849. La bibliothèque Municipale d'Ajaccio conserve huit autres plaquettes publiées par l'imprimeur Fabiani attribuées à Savelli. 

6) A. Costa, «Lettres de Pascal Paoli à G. O. Nobili-Savelli, 20 mai 1771 au 6 avril 1796», op. cit.  

7) Lettre à Portland, 16 août 1795. 

8) Le opere di Q. Orazio Flacco tradotte in versi italiani di vario metro da Giuseppe Ottavio Nobili-Savelli, 3 vol. Foligno, chez Giovanni Tomassini, 1801. 

9) «HIC JACENT MORTALES EXUVIAE JOSEPH OCTAVII NOBILI-SAVELLI INTER PRAECLARAS CORSORUM FAMILIAS ANTIQUITATE ET MUNERIBUS CONSPICUI QUI RELIGIONE SPECTATISSIMUS MUSARUM CULTOR EXIMUS PATRIAE BONISQUE OMNIBUS ET THUSCIS APPRIME CHARUS FLORENTIAE OBIIT DIE XXVII MAII AN SALUT MDCCCVII AETAT SUAE LXV PRESBITER JO BAPT ET PHILIPPUS PATRI AMATO ET COMITISSA MARIANNA ACCIAIOLI EGREGIO ET DULCI AMICO NON SINE LACRYMIS POSUERE.»