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B  I  B  L  I  O  T  H  E  C  A    A  U  G  U  S  T  A  N  A

 

 

 

 
Descartes
Les passions de l'âme
 


 






 




R é s p o n s e

à la lettre précédente

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Monsieur,

Parmi les injures et les reproches que je trouve en la grande lettre que vous avez prise la peine de m'écrire, j'y remarque tant de choses à mon avantage, que si vous la faisiez imprimer, ainsi que vous déclarez vouloir faire, j'aurais peur qu'on ne s'imaginât qu'il y a plus d'intelligence entre nous qu'il n'y en a, et que je vous ai prié d'y mettre plusieurs choses que la bienséance ne permettait pas que je fisse moi-même savoir au public. C'est pourquoi je ne m'arrêterai pas ici à y répondre de point en point. Je vous dirai seulement deux raisons, qui me semblent vous devoir empêcher de la publier. La première est que je n'ai aucune opinion que le dessein que je juge que vous avez eu en l'écrivant, puisse réussir. La seconde, que je ne suis nullement de l'humeur que vous imaginez, que je n'ai aucune indignation, ni aucun dégoût, qui m'ôte le désir de faire tout ce qui sera en mon pouvoir pour rendre service au public, auquel je m'estime très obligé de ce que les écrits que j'ai déjà publiés ont été favorablement reçus de plusieurs. Et que je ne vous ai ci-devant refusé ce que j'avais écrit des passions, qu'afin de n'être point obligé de le faire voir à quelques-uns autres qui n'en eussent pas fait leur profit. Car, d'autant que je ne l'avais composé que pour être lu par une Princesse, dont l'esprit est tellement au-dessus du commun, qu'elle conçoit sans aucune peine ce qui semble être le plus difficile à nos docteurs, je ne m'étais arrêté à y expliquer que ce que je pensais être nouveau. Et, afin que vous ne doutiez pas de mon dire, je vous promets de revoir cet écrit des Passions, et d'y ajouter ce que je jugerai être nécessaire pour le rendre plus intelligible, et qu'après cela je vous l'enverrai pour en faire ce qu'il vous plaira. Car je suis, etc.

D'Egmont, le 4 décembre 1648
 
 
 
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