BIBLIOTHECA AUGUSTANA

 

Walter Benjamin

1892 - 1940

 

Charles Baudelaire,

Tableaux Parisiens

 

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[20]

LES PETITES VIEILLES

 

A VICTOR HUGO

 

I

Dans les plis sinueux des vieilles capitales,

Où tout, même l'horreur, tourne aux enchantements,

Je guette, obéissant à mes humeurs fatales,

Des êtres singuliers, décrépits et charmants.

 

Ces monstres disloqués furent jadis des femmes,

Éponine ou Laïs! Monstres brisés, bossus

Ou tordus, aimons-les! ce sont encor des âmes.

Sous des jupons troués et sous de froids tissus

 

Ils rampent, flagellés par les bises iniques,

Frémissant au fracas roulant des omnibus,

Et serrant sur leur flanc, ainsi que des reliques,

Un petit sac brodé de fleurs ou de rébus;

 

Ils trottent, tout pareils à des marionnettes;

Se traînent, comme font les animaux blessés,

Ou dansent, sans vouloir danser, pauvres sonnettes

Où se pend un Démon sans pitié! Tout cassés

 

Qu'ils sont, ils ont des yeux perçants comme une vrille,

Luisants comme ces trous où l'eau dort dans la nuit;

Ils ont les yeux divins de la petite fille

Qui s'étonne et qui rit à tout ce qui reluit.

 

[22]

– Avez-vous observé que maints cercueils de vieilles

Sont presque aussi petits que celui d'un enfant?

La Mort savante met dans ces bières pareilles

Un symbole d'un goût bizarre et captivant,

 

Et, lorsque j'entrevois un fantôme débile

Traversant de Paris le fourmillant tableau,

Il me semble toujours que cet être fragile

S'en va tout doucement vers un nouveau berceau;

 

A moins que, méditant sur la géométrie,

Je ne cherche, à l'aspect de ces membres discords,

Combien de fois il faut que l'ouvrier varie

La forme de la boîte où l'on met tous ces corps.

 

– Ces yeux sont des puits faits d'un million de larmes,

Des creusets qu'un métal refroidi pailleta . . .

Ces yeux mystérieux ont d'invincibles charmes

Pour celui que l'austère Infortune allaita!

 

 

[24]

II

De Frascati défunt, Vestale enamourée;

Prêtresse de Thalie, hélas! dont le souffleur

Enterré sait le nom; célèbre évaporée

Que Tivoli jadis ombragea dans sa fleur,

 

Toutes m'enivrent! mais parmi ces êtres frêles

Il en est qui, faisant de la douleur un miel,

Ont dit au Dévouement qui leur prêtait ses ailes:

Hippogriffe puissant, mène-moi jusqu'au ciel!

 

L'une, par sa patrie au malheur exercée,

L'autre, que son époux surchargea de douleurs,

L'autre, par son enfant Madone transpercée,

Toutes auraient pu faire un fleuve avec leurs pleurs!

 

 

III

Ah! que j'en ai suivi de ces petites vieilles!

Une, entre autres, à l'heure où le soleil tombant

Ensanglante le ciel de blessures vermeilles,

Pensive, s'asseyait à l'écart sur un banc,

 

Pour entendre un de ces concerts, riches de cuivre,

Dont les soldats parfois inondent nos jardins,

Et qui, dans ces soirs d'or où l'on se sent revivre,

Versent quelque héroïsme au cœur des citadins.

 

Celle-là, droite encor, fière et sentant la règle,

Humait avidement ce chant vif et guerrier;

Son œil parfois s'ouvrait comme l'œil d'un vieil aigle;

Son front de marbre avait l'air fait pour le laurier!

 

 

[26]

IV

Telles vous cheminez, stoïques et sans plaintes,

A travers le chaos des vivantes cités,

Mères au cœur saignant, courtisanes ou saintes,

Dont autrefois les noms par tous étaient cités.

 

Vous qui fûtes la grâce ou qui fûtes la gloire,

Nul ne vous reconnaît! un ivrogne incivil

Vous insulte en passant d'un amour dérisoire;

Sur vos talons gambade un enfant lâche et vil.

 

Honteuses d'exister, ombres ratatinées,

Peureuses, le dos bas, vous côtoyez les murs;

Et nul ne vous salue, étranges destinées!

Débris d'humanité pour l'éternité mûrs!

 

Mais moi, moi qui de loin tendrement vous surveille,

L'œil inquiet, fixé sur vos pas incertains,

Tout comme si j'étais votre père, ô merveille!

Je goûte à votre insu des plaisirs clandestins:

 

Je vois s'épanouir vos passions novices;

Sombres ou lumineux, je vis vos jours perdus;

Mon cœur multiplié jouit de tous vos vices!

Mon âme resplendit de toutes vos vertus!

 

Ruines! ma famille! ô cerveaux congénères!

Je vous fais chaque soir un solennel adieu!

Où serez-vous demain, Èves octogénaires,

Sur qui pèse la griffe effroyable de Dieu?

 

 

 

[21]

ALTE FRAUEN

 

VICTOR HUGO GEWIDMET

 

I

Im Faltenschoß der alten Metropolen

Wo Feen im Entsetzen selber walten

Folgt meine trübe Leidenschaft verstohlen

Verfallnen doch vollendeten Gestalten.

 

Die Unform die da abstößt war ein Weib

War Epona! war Lais! Ehrt ihr Leben

Das seelenhafte noch im morschen Leib.

Im dünnen Rock in löchrigen Geweben

 

Herzloser Winde Geißelhieb im Rücken

Ziehn sie verstört vom Wagenlärm vorbei.

Was für Reliquien sie an sich drücken!

Ihr Beutelchen mit Blumenstickerei;

 

Sie gehn wie Püppchen ihre Füße stellen

Sie kommen wie ein wundes Tier gekrochen

Tanzen und wollen doch nicht tanzen – arme Schellen

An die ein Troll sich anhängt! So zerbrochen

 

Sie sind, ihr Aug' dringt bohrend in die deinen

Blank wie ein schlafend Regenloch bei Nacht;

Es ist das göttlich blickende der Kleinen

Die über Glänzendes erstaunt und lacht.

 

[23]

Habt ihr bemerkt wie sie in Särgen ruhen

Die oft kaum größer sind als für ein Kind

Der weise Tod bewährt in solchen Truhen

Wie ernst die Spiele seiner Laune sind.

 

Und seh ich ihrer eine schattenhaft

Sich im Pariser Schwarm vorüberheben

Stets scheint mir ihre stille Wanderschaft

Zu einer andern Wiege hin das Streben.

 

Dann sinne ich, ein neuer Geometer

Vergrübelt in der Glieder Mißverhältnis

Darüber nach wie oft der Schreiner später

Abwandeln wird ihr hölzernes Behältnis.

 

Augen, aus tausend Tränen ihr Zisternen

Ihr Tiegel wo Metall im Guß gerann

Der widersteht nicht so gewalt'gen Sternen

Den die Verfe{h}mung groß gesäugt – der Mann.

 

 

[25]

II

Der Vesta Magd die zu Frascati glühte;

Thaliens Priesterin – ach wie sie hieß

Weiß nur ihr toter Partner – die einst blühte

Im Schatten Tivolis eh' sie es ließ

 

Von allen bin ich voll! doch von den Alten

Rief manche für die Gram wie Honig floß

Der Inbrunst zu die ihr zum Dienst verhalten:

Heb mich empor, gewalt'ges Flügelroß!

 

Sie die ihr Vaterland mit Not geschändet

Sie die ihr Mann mit Kränkung überlud

Die Schmerzensmutter die im Sohn verendet

Von ihrer aller Tränen welche Flut!

 

 

III

Nie ward ich müde, ihnen nachzugehen!

Einst traf ich eine, als die Sonne sank

Wie Blut aus goldnen Wunden anzusehen

Fand sie sich sinnend abseits eine Bank

 

Zu lauschen jenen großen Blechkapellen

Der Garden welche im betäubten Park

Zu diesen Stunden unsern Lebensquellen

Ein Schauern senken in der Bürger Mark.

 

Sie saß gereckt den strengen Takt zu saugen

Zum durst'gen Ohr ließ sie den Kriegsmarsch ein

Und wie ein alter Aar hob sie die Augen;

Ihr Haupt schien für den Lorbeer da zu sein!

 

 

[27]

IV

Dies seid ihr, euer klageloses Kommen

Durch meiner Stadt lebendiges Gedränge

Herzblut der Mütter, Dirnen wie Madonnen

Einst Namen in dem Munde dieser Menge.

 

Die ihr die Gnade wart und wart der Ruhm

Keiner erkennt euch! nur ein Trunkenbold

Streift euch mit seiner Liebe Narrentum;

Ein feiges Kindchen kommt euch nachgetrollt.

 

Scham dazusein, ihr eingeschrumpften Schemen

Macht, daß ihr krumm und scheu die Mauern streift;

Man grüßt euch nicht, Erloste großer {F}emen

O Menschenschutt zur Ewigkeit gereift!

 

Doch ich der ich von ferne euch behüte

Der zag und zärtlich euren Gang ermißt

Nun ganz euch Vater aus beglückter Güte!

Ich schlürfe Süßen welche ihr nicht wißt:

 

Das frühste Keimen spür ich in euch allen

Die längst verlebte, eure Zeit ward mein

Mein Herz ist tausendfach in euch der Brunst verfallen

Und meine Seele ist aus eurer Tugend rein!

 

Verfallene! an Blut und Wissen meinesgleichen

Euch gilt zur Nacht mein scheidender Gedanke;

Wo wird der nächste Morgen euch erreichen

Uralte Even unter Gottes Pranke?