BIBLIOTHECA AUGUSTANA

 

Jules Laforgue

1860 - 1887

 

Le Sanglot de la terre

 

3° POEMES DE LA MORT

VARIATIONS SUR LA MORT

 

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[SOIR DE FÊTE]

SOIR DE CARNAVAL

 

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Paris chahute au gaz. L'horloge comme un glas

Sonne une heure. Chantez! dansez! la vie est brève,

Tout est vain, – et, là-haut, voyez, la Lune rêve

Aussi froide qu'aux temps où l'Homme n'était pas.

 

Ah! quel destin banal! Tout miroite et puis passe,

Nous leurrant d'infini par le Vrai, par l'Amour;

Et nous irons ainsi, jusqu'à ce qu'à son tour

La terre crève aux cieux, sans laisser nulle trace.

 

Où réveiller l'écho de tous ces cris, ces pleurs,

Ces fanfares d'orgueil que l'Histoire nous nomme,

Babylone, Memphis, Bénarès, Thèbes, Rome,

Ruines où le vent sème aujourd'hui des fleurs?

 

Et moi, combien de jours me reste-t-il à vivre?

Et je me jette à terre, et je crie et frémis

Devant les siècles d'or pour jamais endormis

Dans le néant sans coeur dont nul dieu ne délivre!

 

Et voici que j'entends, dans la paix de la nuit,

Un pas sonore, un chant mélancolique et bête

D'ouvrier ivre-mort qui revient de la fête

Et regagne au hasard quelque ignoble réduit.

 

Oh! la vie est trop triste, incurablement triste!

Aux fêtes d'ici-bas, j'ai toujours sangloté:

«Vanité, vanité, tout n'est que vanité!»

– Puis je songeais: où sont les cendres du Psalmiste?